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Enquête : le système alliance forêts bois

Canopée publie une enquête sur la plus grande coopérative forestière française : Alliance Forêts Bois.

Publié le Rédigé par Canopée

Canopée publie une enquête sur la plus grande coopérative forestière française : Alliance Forêts Bois.

Si Alliance Forêt Bois met en met en avant sa “gestion durable”, la certification PEFC de 85% de ses bois et prend des allures d’organisme para-public aux côtés du Ministère de l’Agriculture, les témoignages, études de cas et informations révélées par Canopée mettent au jour un tout autre visage de la coopérative.

Alliance Forêts Bois est la plus grande coopérative forestière française. Elle compte 680 salariés et produit plus de 3 millions de tonnes de bois par an.

Voici les principaux éléments de cette enquête :

  • Depuis sa création en 2011, l’entreprise, autrefois cantonnée au Massif des Landes de Gascogne, a absorbé 18 autres coopératives concurrentes et s’étend aujourd’hui des Pyrénées jusqu’en Normandie ;
  • Cette concentration s’est traduite par une généralisation du modèle landais de sylviculture intensive : coupe rase, y compris de forêts semi-naturelles, et remplacement par des plantations, le plus souvent des monocultures de résineux comme le montrent nos études de cas dans les Landes, en Vienne, en Dordogne et en Gironde ;
  • 94% des arbres plantés par Alliance Forêts Bois sont des résineux ;
  • En Gironde, la coopérative est même allée jusqu’à raser illégalement une forêt située en zone Natura 2000 ;
  • La coopérative a réussi à tisser un réseau d’influence lui permettant d’orienter le plan de relance et le dispositif France 2030 à son avantage et d’en être l’un des principaux bénéficiaires avec 14,9 millions d’euros d’aides publiques ;
  • La coopérative a créé un fonds de dotation « Plantons pour l’avenir » dont elle est le principal partenaire et le principal bénéficiaire. Ce fonds lui permet de drainer des financements défiscalisés d’entreprises, dont certaines sont des clients ou des filiales d’Alliance Forêts Bois.

3,2 M de M3

C’est le volume de bois commercialisé par Alliance Forêts Bois en 2021 – soit 350 camions de bois par jour.

Pour aller plus loin

Alliance : coupes rases et monocultures pour approvisionner l’industrie

Créée en 2011 pour alimenter l’industrie papetière, l’entreprise a bâti son modèle sylvicole et économique sur la coupe rase (fortement néfaste pour les sols, le stock de carbone, la biodiversité et les paysages) et sur les plantations de résineux en monoculture. Ainsi, 94% des arbres plantés par Alliance Forêts Bois sont des résineux : le directeur général d’Alliance Forêts Bois, Stéphane Viéban, considère que “Le pin maritime, c’est magique”.

94%

C’est la part des arbres plantés par Alliance qui sont des résineux.

Pourtant, la forêt française est composée aux 2/3 d’arbres feuillus : Alliance Forêts Bois cherche à remplacer les forêts feuillues se régénérant naturellement par des plantations résineuses plus adaptées à l’approvisionnement industriel.
Dans la Vienne par exemple, Alliance a rasé une forêt mélangée de chênes, charmes, pins maritimes, bouleaux et merisiers sur plus de 20 hectares – pour la remplacer par une monoculture de pins maritimes.

La main-mise d’Alliance sur la filière forêt-bois

Le modèle sylvicole d’Alliance Forêts Bois, autrefois cantonné au Massif des Landes de Gascogne, s’étend désormais à toute la façade Ouest de la France. Alliance a déjà phagocyté 18 coopératives concurrentes, et s’étend aujourd’hui des Pyrénées jusqu’en Normandie.

Notre enquête donne la parole à un ancien salarié d’une coopérative rachetée par Alliance en 2018. Il rapporte les propos introductifs de Stéphane Viéban lors de la fusion : “À partir de maintenant, il y aura trois mots d’ordre : Le premier c’est Business, le deuxième c’est Business et le troisième c’est Business”.

53 départements

Alliance Forêts Bois, une coopérative initialement cantonnée au Massif des Landes de Gascogne, est aujourd’hui présente dans 53 départements de France métropolitaine – et pourrait continuer à s’étendre.

Mais Alliance ne se contente pas de s’étendre géographiquement. La coopérative rachète des entreprises de l’amont et de l’aval de la filière forêt-bois – et maîtrise peu à peu l’ensemble des maillons de la filière : elle gère des pépinières, des entreprises de travaux forestiers, des entreprises de production d’engins ou encore des unités de valorisation de bois-énergie.

Comment Alliance s’accapare les fonds publics et privés

Pour booster ses activités, la coopérative parvient à capter des flux de financements publics et privés. Le plan de relance de la filière forêt-bois, négocié par Alliance auprès du gouvernement, a rapporté 14,9 millions d’Euros d’argent public à la coopérative.

14,9 M€

C’est le montant des aides publiques touchées par Alliance dans le cadre de la politique forestière du plan de relance, politique publique qu’elle a influencée. Une enquête de Canopée montre que 87% des projets financés par le plan de relance font intervenir des coupes rases.

Le Label Bas Carbone mis en place par le gouvernement est utilisé par Alliance pour financer des opérations de coupe rase et plantations peu diversifiées.

Le fonds de dotation Plantons pour l’Avenir, censé être “apolitique et indépendant”, a en réalité été créé par Alliance Forêts Bois pour relancer son activité et drainer des financement privés défiscalisés. Notre enquête révèle comment les financements captés par le fonds de dotation renflouent in fine la coopérative, ce qui soulève la question de la légalité de ces financements.

Sur le terrain, Alliance ne respecte pas non plus toujours les cadres légaux.
Notre enquête révèle une coupe rase illégale réalisée en 2022 par la coopérative dans les Landes : des chênes centenaires ont été rasés en zone Natura 2000 sans aucun document de gestion.

La position dominante d’Alliance Forêts Bois au sein de la filière ainsi que ses activités de lobby lui permettent d’influencer les politiques publiques et d’obtenir ainsi divers avantages par rapport à d’autres acteurs de la filière. Une exception à la séparation entre les activités de conseil, de gestion et de vente de bois, pré-requis essentiel pour garantir l’impartialité du conseil forestier, a ainsi été introduite dans le code forestier spécialement pour les coopératives forestières. Un accès privilégié au cadastre, permettant de démarcher les propriétaires forestiers privés, a également été accordé aux coopératives.


Pourtant, il existe des alternatives à cette sylviculture intensive, comme le démontrent de nombreux forestiers. Ils cherchent en priorité à améliorer les forêts existantes plutôt que de les transformer en monoculture de résineux. Il s’agit notamment de la sylviculture à couvert continu, qui a de nombreux avantages pour atténuer et adapter les forêts. Mais il est également possible de protéger la biodiversité dans le cadre d’une sylviculture régulière (c’est-à-dire avec des arbres du même âge), en limitant la taille des coupes et en diversifiant les peuplements.

Si la coopérative exposait ouvertement sa stratégie dans son “Manifeste pour les forêts de plantation” il y a encore une dizaine d’années, elle a intégré les attentes écologiques de la société – et avance désormais cachée. Notre enquête montre que si sa communication a évolué, sa structure économique et ses objectifs restent les mêmes.