Communiqué de presse
Communiqué publié à Angers, le 15 septembre 2023

Chute du puits de carbone forestier : pourquoi le gouvernement doit revoir sa stratégie sur les forêts

Communiqué publié à Angers, le 15 septembre 2023

Publié le Rédigé par Canopée

Face au constat d’un puits de carbone forestier en chute [1], le volet forestier de la planification écologique, en cours de finalisation par le gouvernement, pourrait aggraver le problème. Explications.

À travers l’article 5 de l’Accord de Paris, décliné avec le règlement européen relatif à l’utilisation des terres, au changement d’affectation des terres et à la foresterie (UTCATF), la France est engagée à inverser la diminution actuelle de nos puits de carbone naturels et à atteindre un objectif contraignant -34 MtCO2 eq à l’horizon 2030 [2]. Or, ce puits est estimé à -16,9 MtCO2 eq en 2022. L’atteinte de cet objectif est déterminant pour atteindre la neutralité carbone au plus vite et atténuer l’ampleur du changement climatique en cours.

Alors que le puits de carbone est déjà fragilisé par une hausse de la mortalité et une baisse de l’accroissement biologique, le gouvernement s’entête pourtant à vouloir augmenter la récolte de bois, notamment pour des usages énergétiques. L’augmentation de cette récolte dégraderait le puits de carbone forestier d’environ +11 MtCO2 eq à l’horizon 2030 (et +15-20 MtCO2 eq en 2050) [3].

Plutôt que de remettre en cause cette augmentation, le gouvernement met en avant son objectif de plantation d’un milliard d’arbres. Or, d’après notre évaluation et celle de scientifiques indépendants, ce programme de plantation pourrait au mieux permettre d’absorber de -0,5 à -3 MtCO2 eq à l’horizon 2030 et -5 MtCO2 eq [4].

Planter des arbres ne compense donc pas le fait d’en couper davantage. Surtout si ces plantations sont justement réalisées à la place de forêts existantes et bien portantes. Or, les critères actuels, et ceux envisagés par le gouvernement, sont insuffisants pour éviter ce risque. Ainsi, nous estimons qu’environ 87% des projets financés par le plan de relance sont des coupes rases et que 42% des projets concernent des forêts qui ne sont pas dépérissantes aujourd’hui [1]. Le dispositif France 2030 n’a corrigé que très partiellement ce problème puisqu’il autorise toujours la coupe rase d’une forêt à partir du moment où 20% des arbres sont dépérissants.

Pour Sylvain Angerand, coordinateur des campagnes de l’association Canopée : « Le gouvernement est en train de prendre un risque considérable pour l’avenir de nos forêts en poussant à récolter davantage de bois et en refusant de mettre des garde-fous à son programme de plantation. »

Au moment où le gouvernement est en train de finaliser les derniers arbitrages de sa planification écologique, nous l’appelons à revoir sa copie en renonçant à augmenter la récolte de bois, en encourageant l’amélioration des forêts existantes plutôt que leur transformation par coupe rase puis plantation et enfin, en soutenant des sylvicultures favorables à la biodiversité. 

Source :

[1] Un constat à nouveau pointé par le rapport de l’Observatoire Climat Energie publié le 14 septembre 2023. https://reseauactionclimat.org/ou-en-est-la-france-dans-ses-objectifs-climatiques-et-energetiques-edition-2023/

[2] Annexe III du règlement européen : https://data.consilium.europa.eu/doc/document/PE-75-2022-INIT/fr/pdf

[3] Le SGPE évoque désormais une hausse des prélèvements équivalente à +11 MtCO2 en page 8 de son document de planification relatif à la forêt. Dans le groupe de travail « biomasse » de la Stratégie Française Energie Climat, l’hypothèse envisagée est une hausse de la récolte de 54,6 Mm3 à 63Mm3 en 2030 (soit environ +8 MtCO2 eq) puis 70 Mm3 en 2050 (soit +15 MtCO2 eq).

[4] Korosuo et al (2023) estime que l’objectif européen de plantation de 3 milliards d’arbres pourrait absorber -15 MtCO2 eq à l’horizon 2050 soit -5 MtCO2 eq pour un milliard d’arbres. Il existe très peu de données permettant d’évaluer l’absorption de CO2 par de très jeunes arbres (10 ans) : avec des hypothèses extrêmement favorables (aucune mortalité, climat très favorable, pas de coupe rase préalable), nous estimons que le puits de carbone d’un programme de plantation 50% chêne sessile / 50% de pin maritime, avec 100 millions d’arbres plantés pendant 10 ans est au maximum de -3 MtCO2 eq et de façon plus réaliste de l’ordre de -0,5 à -1 MtCO2 eq.

Korosuo et al (2023) : https://cbmjournal.biomedcentral.com/articles/10.1186/s13021-023-00234-0

[5] Voir notre rapport « Planté ! Le bilan caché du plan de relance forestier ». Ce chiffre est une estimation car le gouvernement refuse la transparence sur les projets financés.
https://www.canopee.ong/publications/canopee-publie-le-bilan-cache-du-plan-de-relance-en-foret/