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Une loi pour nos forêts

Publié le Rédigé par Canopée

Depuis la création de Canopée, l’un de nos principaux objectifs est de faire changer le code forestier.

Nos priorités : obtenir l’encadrement des coupes rases et des mesures pour favoriser la sylviculture mélangée à couvert continu. Mais dans cette campagne, nous avons un adversaire de taille : les lobbies qui veulent que rien ne change.

20 mars 2024 : La mobilisation paye !

C'est un changement de dimension. L'interpellation des députés lancée par Canopée porte ses fruits : 118 députés co-signent la proposition de loi transpartisane

C’est exceptionnel. Plus de 9000 personnes interpellent leur député suite à la vidéo publiée par Canopée un mois plus tôt – et l’effet est immédiat.

Plus de 100 députées et députés de 8 groupes politiques différents ajoutent leur signature au projet de loi transpartisan, déposé en novembre 2023.

Parmi eux, plusieurs députés de la majorité, comme Naïma Moutchou (Horizons et Vice-Présidente de l’Assemblée nationale), Lionel Causse (Renaissance), Delphine Lingemann (MoDem) ou Stéphanie Kochert (Horizons). Mais aussi 75 députés de La France Insoumise, 13 députés du Parti Socialiste, 10 députés Europe Ecologie Les Verts, 4 députés UDI et 2 députés du Parti Communiste Français.

La proposition de loi à laquelle Canopée travaille depuis maintenant 15 mois change de dimension.

27 février 2024 : L'étau se resserre

Le Parlement Européen adopte le Règlement sur la restauration de la nature : la France va devoir agir

C’est une très bonne nouvelle : les pays membres de l’Union Européenne vont devoir améliorer la qualité de leurs forêts.

Comment ? À chaque Etat d’en décider. Les deux propositions de loi que Canopée pousse seraient un bon levier pour y parvenir.

Les règlements européens sont des textes qui s’appliquent directement aux Etats-membres de l’Union Européenne. Ce règlement impose aux pays membres de mettre en œuvre des mesures pour restaurer des écosystèmes détériorés. Parmi eux : les forêts (article 10).

La France (et les autres pays de l’UE) devront désormais mettre en place des mesures pour :

  1. améliorer la biodiversité des écosystèmes forestiers ;
  2. améliorer l’indicateur de présence d’oiseaux communs ;
  3. augmenter au moins 6 indicateurs des 7 indicateurs suivants :
    1. la quantité de bois mort sur pied dans les forêts ;
    2. la quantité de bois mort au sol dans les forêts ;
    3. la part de forêts inéquiennes (avec des arbres d’âges variés) ;
    4. la connectivité des forêts ;
    5. le stock de carbone organique (carbone stocké dans la partie aérienne et dans la partie souterraine des arbres) ;
    6. la part de forêts dans lesquelles les essences indigènes sont dominantes ;
    7. la diversité des essences en forêt.

Ce règlement est aussi une victoire contre les lobbies. Antoine d’Amécourt, le Président de FRANSYLVA, le syndicat des propriétaires forestiers privés, envoie une lettre aux députés européens avant le vote. Il y explique : « la proposition de la Commission sur la Loi de la Restauration de la Nature n’est pas acceptable en l’état », car certains indicateurs seraient « rétrogrades » et ne tiendraient pas compte de la réalité de terrain. La conclusion : « Nous vous demandons de rejeter ce texte ».

26 février 2024 : La face cachée des forêts françaises révélée

France 5 publie une longue enquête sur la politique forestière française

1 million de téléspectateurs en sont témoins : la politique forestière française, principalement axée sur la plantation d’arbres, encourage les coupes rases de forêts vivantes et diversifiées.

C’est ce que montre le documentaire Sur le Front – La face cachée des forêts françaises avec Hugo Clément, qui a suivi Canopée sur le terrain pendant plusieurs mois.

Ce documentaire reprend les principales conclusions de notre enquête publiée 1 an auparavant, intitulée « Planté ! Le bilan caché du plan de relance ». Cette enquête a été la première à lancer l’alerte : plus de 85% des projets financés par le plan de relance sont des coupes rases. Les arbres plantés sont, en large majorité, des monocultures de résineux. Le premier arbre planté est le douglas : un arbre qui n’est pas adapté à un climat qui se réchauffe.

Il ne s’agit donc pas d’adapter la forêt au changement climatique – mais plutôt aux besoins de l’industrie.

Le documentaire arrive à point nommé pour appuyer l’importance de revoir la politique forestière française, comme le proposent les deux propositions de loi.

14 février 2024 : Mobilisation générale !

Le lendemain du dépôt de la nouvelle proposition de loi, Canopée met en place un outil d'interpellation des députés

Deux propositions de loi sont maintenant déposées. C’est historique. Mais rien n’est gagné, car aucune proposition n’est inscrite à l’ordre du jour – et elles pourraient ne jamais l’être.

  • Pour pouvoir être réellement examinée, la proposition transpartisane doit être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée dans une semaine transpartisane de l’Assemblée. Pour cela, elle doit remplir plusieurs critères. Parmi eux, elle doit obtenir le soutien de deux présidents de groupe de l’Assemblée : un président d’un parti de l’opposition et un président d’un parti de la majorité (donc soit le président de Renaissance, soit le président de Horizons, soit le président du MoDem).
  • De son côté, la proposition de Sophie Panonacle pourrait être transformée en projet de loi avec le soutien du gouvernement. Mais d’après les bruits de couloir qui nous parviennent, le Ministère de l’agriculture, historiquement proche des lobbies des grandes coopératives forestières, est opposé à cette idée.

Pour éviter à tout prix que l’histoire s’arrête ici, Canopée publie une vidéo demandant à toutes les personnes qui le souhaitent d’interpeller le ou la député.e de leur circonscription, pour leur expliquer l’importance d’une loi pour la forêt et leur demander de s’associer à l’une des deux propositions de loi.

L’outil d’interpellation mis en place en 24 heures par Canopée permet d’envoyer facilement et rapidement un mail pertinent à son député :

J’interpelle mon député

13 février 2024 : Et de deux !

Une seconde proposition de loi est déposée par Sophie Panonacle

Trois mois après le dépôt de la proposition de loi transpartisane, une seconde proposition de loi est déposée.

Cette proposition, portée par la députée Renaissance Sophie Panonacle, reprend les principales propositions du rapport de la mission d’information parlementaire sur les forêts. Elle va donc globalement dans le même sens que la proposition transpartisane, même si plusieurs points doivent être précisés.

Les points forts de la proposition de loi

🟢 L’incitation fiscale à la gestion forestière à couvert continu (article 8). Actuellement, les propriétaires forestiers bénéficient tous du même taux d’aide pour leurs travaux forestiers : 25%. L’article 8 de la proposition de loi permettrait de porter ce taux à 40% pour les propriétaires qui s’engagent à gérer leur forêt en couvert continu (sans passer par la coupe rase, comme présenté par exemple dans notre rapport sur les alternatives à la coupe rase dans les peuplements pauvres).

🟢 L’interdiction de la récolte de bois inférieurs à 7 centimètres (article 5). Ces menus bois et rémanents forestiers contiennent des minéraux essentiels à la bonne santé des sols. Il est primordial de les laisser en forêt pour et de s’assurer ainsi qu’ils ne soient pas utilisés à des fins de production d’énergie par exemple.

🟢 L’interdiction du dessouchage ou de la récolte de racines (article 5). Le déssouchage dégrade fortement l’état des sols forestiers en déstructurant profondément les réseaux mycorhiziens, diminuant les stocks de carbone et la capacité de rétention en eau des sols.

🟢 Le renforcement du droit de préemption des communes et de l’Etat pour l’achat de forêts (article 9). La proposition de loi permettrait à l’Etat et aux communes de bénéficier d’un droit de préemption sur toutes les ventes de forêts qui ne sont pas soumises à un plan de gestion. Cela renforcerait le droit de préemption des communes et de l’Etat : actuellement, les communes ont un droit de préemption lorsqu’une forêt à vendre est d’une superficie inférieure à 4 hectares ou lorsqu’il s’agit d’une forêt publique. L’Etat a un droit de préemption lorsqu’une forêt à vendre est d’une superficie inférieure à 4 hectares et qu’une autre forêt domaniale jouxte la parcelle en vente. Cette proposition vise à répondre aux problèmes posés par le morcellement de la forêt privée, en augmentant peu à peu la part de forêt publique, gérée par l’Office National des Forêts.

Les articles à préciser

🟡 L’encadrement des coupes rases (article 5). La proposition de loi donne une définition des coupes rases : il s’agit des coupes « supérieures à 0,5 hectare d’un seul tenant, enlevant en une seule fois la totalité du peuplement forestier à l’exception des tiges réservées pour le paysage ou la biodiversité, sans régénération acquise, et à l’exception des coupes motivées par des impératifs sanitaires ou de prévention du risque d’incendie. » Un seuil maximal de 2 hectares serait fixé pour toutes les forêts sans plan de gestion. Le seuil maximal pour les forêts sous plan de gestion serait fixé par un arrêté des Ministères de l’agriculture et de l’environnement. Aucun plan de gestion actuellement validé ne serait remis en cause : ces mesures n’entreraient en vigueur qu’après la durée prévue pour les plans de gestion en vigueur.

Actuellement, les coupes rases ne sont ni définies ni encadrées par la loi : cet article marquerait une amélioration. Mais la délégation de l’établissement du seuil maximal aux Ministères de l’agriculture et de l’environnement est porteur d’une forte incertitude. Une alternative pourrait être de limiter toutes coupes rases à plus de 4 hectares, en déléguant aux Ministères le soin de décrire les situations plus restrictives (Natura 2000, forte pente, forêt ancienne par exemple). Des seuils différenciés sont présentés dans l’article 3 de la proposition de loi transpartisane.

🟡 L’intégration de la biodiversité dans les plans de gestion (article 6). Actuellement, les plans simples de gestion en forêt privée ne comportent aucun volet permettant de s’assurer de la non-régression de la biodiversité. La France s’y était pourtant engagée dans la feuille de route pour l’adaptation des forêts au changement climatique (action 3.1) avant 2021. L’article 6 de la proposition de loi indique que les plans de gestion devront « présenter les mesures de gestion ou précautions particulières prévues pour préserver la biodiversité et la qualité des sols ». Cette mesure permettrait une amélioration par rapport à la situation actuelle, mais elle ne précise pas que ces mesures de gestion devront s’assurer du principe de non-régression de la biodiversité.

Les grands oublis de la proposition de loi

🔴 Aucune mesure en faveur de la diversification des plantations. 84% des nouvelles plantations sont des monocultures. La proposition de la Députée Panonacle ne prévoit aucune mesure permettant de garantir la diversification des plantations, contrairement à la proposition de loi transpartisane. Cette dernière suggère, dans son article 4, de diversifier les plantations selon les modalités suivantes : sur les surfaces de moins de 4 hectares, une obligation de planter au moins deux essences objectif présentant une complémentarité de traits fonctionnels (avec au moins 30% de l’essence la moins présente) ; sur les surfaces de plus de 4 hectares, une obligation de planter au moins trois essences objectif présentant une complémentarité de traits fonctionnels (avec au moins 30% de l’essence la moins présente).

🔴 Aucune mesure en faveur de la transparence des documents de gestion. Un récent revirement de jurisprudence de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) donne pourtant accès au public à la partie environnementale des plans de gestion. C’est une avancée importante dans le dialogue entre la société et les propriétaires forestiers. Il serait bénéfique d’ancrer ce principe dans la loi, comme l’indique la proposition de loi transpartisane (article 8).

🔴 Aucune mesure contre les conflits d’intérêt et la distorsion de concurrence en faveur des coopératives forestières. Actuellement, l’article D.314-8 du code forestier permet aux coopératives d’exercer à la fois des activités de conseil, de travaux et de vente de bois. Rien ne garantit qu’une coopérative conseille un propriétaire sur une vision à long terme de son patrimoine forestier ; elle pourrait lui conseiller des travaux lourds et coûteux, comme des coupes rases, dont la coopérative serait maître d’œuvre. C’est ce que révèle notre enquête sur la coopérative Alliance Forêts Bois. La proposition de loi transpartisane prévoit de séparer ces trois activités dans son article 11, contrairement à la proposition de loi portée par la députée Sophie Panonacle.

8 novembre 2023 : Une proposition de loi est déposée !

Après plusieurs mois de travail, une proposition de loi transpartisane est déposée

Personne n’y croyait – et pourtant la voici : une proposition de loi sur la forêt travaillée avec Canopée et déposée par des députés de 5 partis différents.

La proposition est notamment déposée par Catherine Couturier (LFI), Hubert Ott (MoDem), Chantal Jourdan (PS), Marie Pochon (EELV) et Jean-Louis Bricout (LIOT).

Maintenant que la proposition de loi est déposée, elle doit être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour pouvoir être adoptée.

Pour cela, la proposition devra être soutenue par les Présidents de deux partis politiques : un parti de la majorité gouvernementale (Renaissance, Horizons ou MoDem) et un autre parti.

13 articles pour sauver les forêts françaises

La proposition de loi comporte 13 articles :

  • L’article 1 modifie les orientations générales de la politique forestière française. Ces orientations sont mentionnées dans l’article L. 121-1 du Code Forestier. Cet article serait modifié pour :
    • Inscrire dans la loi l’obligation de maintenir ou d’augmenter le puits de carbone en forêt (la France s’y étant déjà engagée dans l’article 5 des Accords de Paris) ;
    • Inscrire la préservation des sols forestiers comme un principe majeur de la politique forestière française ;
    • Favoriser le développement des petites et moyennes scieries ;
    • Lier le bénéfice des aides publiques à ces principes.
  • L’article 2 favorise la sylviculture mélangée à couvert continu, aussi appelée sylviculture irrégulière. Il fixe deux objectifs :
    • Atteindre un taux de 30% de forêts soumises à un plan de gestion gérées en sylviculture irrégulière le plus rapidement possible ;
    • Atteindre un taux de 70% de forêts soumises à un plan de gestion gérées en sylviculture irrégulière en 2050.
  • L’article 3 encadre les coupes rases. Il donne une définition d’une coupe rase (ce terme n’étant pas encore défini dans le code forestier) et pose plusieurs limites de taille pour les coupes rases en fonction des peuplements :
    • Dans les forêts feuillues ou mélangées, les coupes rases de plus de 2 hectares seraient interdites.
    • Dans les forêts feuillues ou mélangées dont la pente est supérieure à 30%, les coupes rases de plus de 0,5 hectares seraient interdites.
    • Dans les forêts en monoculture plantées après l’entrée en vigueur de la loi, les coupes rases de plus de 4 hectares seraient interdites.
    • Dans les forêts en monoculture plantées après l’entrée en vigueur de la loi, et dont la pente est supérieure à 30%, les coupes rases de plus de 2 hectares seraient interdites.
    • Ces seuils ne s’appliquent pas en cas d’impasse sanitaire.
    • Des conditions plus strictes seraient appliquées en dans les zones Natura 2000 et les Parcs Naturels Régionaux (PNR).
  • L’article 4 pose l’obligation de diversifier les plantations :
    • Sur les surfaces de moins de 4 hectares, une obligation de planter au moins deux essences objectif présentant une complémentarité de traits fonctionnels (avec au moins 30% de l’essence la moins présente) ;
    • Sur les surfaces de plus de 4 hectares, une obligation de planter au moins trois essences objectif présentant une complémentarité de traits fonctionnels (avec au moins 30% de l’essence la moins présente) ;
    • Sur les surfaces de moins de 4 hectares, une obligation de planter au moins deux essences objectif présentant une complémentarité de traits fonctionnels (avec au moins 30% de l’essence la moins présente) ;
    • Sur les surfaces de plus de 4 hectares, une obligation de planter au moins trois essences objectif présentant une complémentarité de traits fonctionnels (avec au moins 30% de l’essence la moins présente).
  • L’article 5 interdit le dessouchage au delà d’un seuil arrêté par les préfets dans chaque département.
  • L’article 6 renforce les pouvoirs du Centre National de la Propriété Forestière (CNPF), de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) et de l’Office National des Forêts (ONF) sur les plans de chasse pour lutter contre les difficultés de régénération de la forêt due à la surpopulation de gibier.
  • L’article 7 interdit le nourrissage des animaux sauvages en forêt.
  • L’article 8 rend transparents les documents de gestion forestière. Cet article reprend l’engagement pris par la France dans le cadre de la feuille de route pour l’adaptation des forêts au changement climatique, qui devait arriver à échéance en 2021.
  • L’article 9 rend transparentes les autorisations de coupe. Elles devront être communiquées à chaque personne en faisant la demande.
  • L’article 10 modifie la composition des conseils d’administration du Centre National de la Propriété Forestière (CNPF) et des Centres Régionaux de la Propriété Forestière (CRPF) en y intégrant les associations agréées de défense de l’environnement et l’Office Français de la Biodiversité.
  • L’article 11 rend impossible pour une entreprise de cumuler les rôles de conseil en gestion forestière et de commercialisation du bois (ce qui est le cas aujourd’hui des grandes coopératives forestières comme Alliance Forêts Bois).
  • L’article 12 renforce le droit de préemption des collectivités forestières pour l’achat de parcelles forestières. Elles seraient ainsi prioritaires pour acheter des parcelles forestières, ce qui permettrait à long terme d’augmenter la part de forêts publiques par rapport à la part de forêts privées.
  • L’article 13 demande un budget pour la mise en œuvre de ces actions.

25 Octobre 2023 : Les médias entrent en jeu

Une tribune coordonnée par Canopée est publiée dans Le Monde

Pour concrétiser les avancées du groupe de travail transpartisan réuni par Canopée et les propositions du rapport de la mission d’information parlementaire, Canopée fait monter la pression médiatique.

Plusieurs reportages télévision et radio sur les forêts sont en cours de production avec l’appui de Canopée. Mais pour le moment, Canopée coordonne la publication d’une tribune publiée dans Le Monde, et intitulée « La politique forestière doit s’appuyer sur les écosystèmes existants plutôt que raser et replanter ».

Cette tribune est rapidement soutenue par plus de 800 scientifiques, acteurs de la filière forêt-bois, responsables associatifs et élus locaux.

Lire le texte intégral de la tribune 

Parmi les premiers signataires, on compte :

  • Véronique Andrieux, Directrice du WWF France
  • Jean-Louis Bal, Président d’Agir pour le climat
  • Gilles Bœuf, Professeur à l’université Pierre-et-Marie-Curie
  • Allain Bougrain-Dubourg, Président de la LPO
  • Eric Brua, Directeur de la Fédération Nationale des Parcs Naturels Régionaux
  • Loïc Casset, Délégué général de Sylv’ACCTES, des forêts pour demain
  • Bernard Chevassus-Au-Louis, Président d’Humanité et Biodiversité
  • Isabelle Chuine, Directrice de Recherche au CNRS et membre de l’Académie des Sciences
  • Philippe Ciais, Directeur de Recherche au CEA et membre de l’Académie des Sciences
  • Wolfgang Cramer, Directeur de Recherche au CNRS et membre associé de l’Académie d’Agriculture de France
  • Morgane Creach, directrice générale du Réseau Action Climat
  • Claire Dumas, Présidente de Solagro
  • Olivier Forsans, Président de MaForêt
  • Antoine Gatet, Président de France Nature Environnement
  • Khaled Gaiji, Président des Amis de la Terre France
  • Philippe Gourmain, Co-Président de La Belle Forêt

Mai 2023 : Plusieurs bonnes idées à concrétiser

Le rapport de la mission d'information parlementaire est publié : Canopée analyse et relaie

La mission d’information parlementaire est finalisée. Le résultat : 37 propositions pour faire évoluer la loi.

Les points forts du rapport

🟢 Prendre en compte la biodiversité dans les plans de gestion

Le rapport parlementaire indique qu’il « serait souhaitable de réfléchir à l’introduction de nouveaux volets obligatoires dans les PSG, notamment en ce qui concerne la biodiversité, l’adaptation au changement climatique et la lutte contre les incendies » (page 110). Concrètement, la proposition 24 du rapport est d’abaisser « à 20 hectares le seuil obligatoire des PSG et d’introduire de nouveaux volets obligatoires dans les documents de gestion durable et dans les SRGS, notamment en ce qui concerne la biodiversité, l’adaptation au changement climatique et la lutte contre les incendies ».

La mise en place d’un volet obligatoire sur la biodiversité dans les plans de gestion des forêts, et plus largement dans les Schémas Régionaux de Gestion Sylvicole, serait une belle avancée.

La France s’est d’ailleurs déjà engagée à inclure un volet obligatoire sur la biodiversité dans les plans de gestion avant 2021 (action 3.1 de la feuille de route sur l’adaptation des forêts au changement climatique) – mais ce volet n’existe toujours pas.

🟢 Mettre en avant la gestion en irrégulier

Le rapport propose de faire évoluer la fiscalité forestière pour avantager une gestion vertueuse : « la fiscalité forestière devrait être mieux assise sur la gestion durable des forêts. En effet, un propriétaire qui rase sa forêt au profit d’une forêt de plantation en monoculture bénéficie de la même fiscalité que celui qui la maintient en bon état écologique, tout en fournissant du bois. La fiscalité forestière n’intègre pas assez les critères écologiques » (page 102). Concrètement, cela pourrait passer par une aide spécifique pour les propriétaires choisissant ce mode de gestion : “Proposition n° 7 : Modifier l’article 200 quindecies du code général des impôts et porter de 25 à 35 % le crédit d’impôt dont bénéficient les contribuables à raison de leurs opérations forestières s’ils s’engagent à gérer leur forêt en futaie irrégulière.”

La sylviculture irrégulière est pratiquée sur plus d’un million d’hectares de forêts en France. Cette méthode s’appuie sur la dynamique naturelle des peuplements et permet de produire du bois tout en respectant les écosystèmes. Mais les aides publiques vont aujourd’hui principalement à la plantation d’arbres, notamment après coupe rase.

🟢 Rediriger les aides au bois-énergie vers l’amont de la filière

Le rapport de Madame Panonacle et de Madame Couturier explique : « il existe un véritable choix politique à faire sur la question du bois énergie. Pour votre rapporteure, ce choix doit reposer sur le fait que le maintien, voire l’augmentation, du puits de carbone est une condition centrale pour les choix de politiques forestière et énergétique » (page 89). Concrètement, « il n’est pas opportun de disposer d’une deuxième unité (centrale thermique) sur notre territoire, ou d’aboutir à une aberration écologique d’une autre sorte, consistant à développer le commerce international du bois en vue de sa combustion » (page 87). Il faut donc « redéployer une partie des aides publiques portant sur le bois énergie vers le bois de construction et la filière de transformation primaire » (proposition 13).

Comme le constate la Cour des comptes, plus d’un tiers des soutiens publics à la filière forêt-bois se concentrent sur le bois énergie. Conséquence : il arrive que des forêts entières soient rasées pour alimenter la filière bois-énergie, alors que les arbres pourraient continuer à stocker du carbone ou être utilisés pour produire du bois d’œuvre, dans lequel une part du CO2 reste stockée. En réorientant les aides vers une bonne gestion forestière, une gestion vertueuse serait encouragée et des co-produits valorisables en bois-énergie seraient automatiquement produits. Le développement massif des usages du bois à des fins énergétiques représente un danger pour les forêts françaises, comme nous l’expliquons dans un rapport.

🟢 Augmenter les postes de l’Office National des Forêts

Le rapport parlementaire ne peut être plus clair sur ce point : « personne ne peut contester que l’ONF et l’IGN doivent bénéficier d’effectifs renforcés » (page 57). « Les effectifs de l’ONF demeurent toutefois trop limités pour lui permettre d’exercer efficacement ses missions de surveillance et d’entretien : un agent se charge en moyenne de 1 700 hectares, contre 800 hectares au début des années 2000 » (page 98). La même mesure est valable pour les Centres Nationaux de la Propriété Forestière (CNPF) : « là encore, il apparaît souhaitable d’augmenter le nombre des experts forestiers » (page 99).

Plus d’un tiers des postes ont été supprimés à l’Office National des Forêt au cours des 20 dernières années. Pourtant, l’ONF gère nos forêts publiques : son action est plus importante que jamais, vu le changement climatique en cours. C’est pourquoi Canopée s’engage depuis plusieurs années aux côté des agentes et agents de l’ONF afin de les aider à obtenir de bonnes conditions de travail.

🟢 Améliorer la protection des sols forestiers

Pour les députées Panonacle et Couturier, une meilleure prise en compte des sols doit se faire dans les plans de gestion : « Introduire à l’article R. 312-4 du code forestier relatif au plan simple de gestion la prise en compte de la préservation des sols. » (proposition n°8). Les aides publiques pourraient être redirigées vers les machines moins lourdes et donc moins impactantes pour les sols : « Mieux conditionner les aides publiques nationales et régionales pour encourager l’équipement en matériel à faible impact et inclure un volet « sol » dans les Defi en modifiant l’article 200 quindecies du code général des impôts ainsi que pour l’obtention du label bas-carbone » (proposition 14). Quant au dessouchage, une pratique controversée, « il convient de souligner que l’extraction des souches d’arbres a de nombreux impacts négatifs sur les sols forestiers » (page 71).

Les sols forestiers sont aujourd’hui insuffisamment protégés. Pourtant, la protection des sols est essentielle pour assurer leur fertilité, maintenir le stock de carbone de sol et préserver les réseaux mycorhiziens.

🟢 PEFC : un label plein de failles

« Ce label a aussi pu certifier comme durable des pratiques comme la coupe rase de forêts naturelles et leur transformation en monoculture de résineux. Le label PEFC a récemment engagé une révision de ses règles de certification, mais des failles majeures subsistent. » (page 78 du rapport).

Canopée s’est engagé dans le processus de révision du label de gestion durable PEFC, en espérant améliorer les critères de gestion du label. Si de petites avancées ont pu être obtenues, la certification reste largement insuffisante. Par exemple, des forêts jugées comme « vulnérables » (sans réels critères) pourront être rasées pour être remplacées par des monocultures résineuses.

Les points à préciser

🟡 Encadrer les coupes rases dans la loi ?

Canopée demande un encadrement strict des coupes rases par la loi depuis plusieurs années. Un rapport parlementaire publié en 2020 par Anne-Laure Cattelot proposait déjà l’interdiction des coupes rases de plus de 2 hectares, sauf motif sanitaire. Cette proposition ne s’est pas concrétisée entre-temps, et le rapport de Sophie Panonacle est plus évasif sur le sujet.

Il propose en effet de rendre obligatoire une autorisation préfectorale pour toute coupe rase de plus de 2 hectares (proposition 37), ce qui serait une belle avancée : « Proposition n° 37 : Modifier l’article L. 124-5 du code forestier et soumettre à autorisation préfectorale toute coupe d’un seul tenant égale ou supérieure à 2 hectares, que la forêt présente ou non une garantie de gestion durable, après avis du CNPF lorsqu’il s’agit de forêts privées. »

Mais il indique aussi que « Légiférer en fixant un seuil pour limiter les coupes rases (…) n’est pas la solution idéale » (page 135).

🟡 Augmenter la récolte de bois en forêt ?

La multiplication des usages du bois pourrait induire une augmentation de la récolte de bois, ce qui représenterait un danger pour l’évolution des forêts françaises, déjà fragilisées par le changement climatique. Sur ce point, le rapport parlementaire est ambivalent. Il indique d’une part que « la capacité de la forêt française à offrir une ressource naturelle renouvelable est sous-utilisée » (page 75), ce qui pourrait laisser entendre qu’il faut augmenter la récolte de bois, mais il indique aussi que « le maintien, voire l’augmentation, du puits de carbone est une condition centrale pour les choix de politiques forestières » : or, le maintien ou l’augmentation du puits de carbone en forêt est incompatible avec une forte augmentation de la récolte.

Février 2023 : Une deuxième piste en parallèle

La mission d'information parlementaire est lancée en parallèle des travaux de Canopée

Pendant que Canopée travaille à la rédaction d’une proposition de loi avec les députées intéressées, l’Assemblée nationale lance une mission d’information officielle sur l’adaptation des forêts au changement climatique.

L’objectif : rencontrer des scientifiques, des professionnels de la filière et des associations pour comprendre mieux encore les enjeux et proposer des modifications de loi dans un rapport.

Cette mission est présidée par Catherine Couturier (LFI), et Sophie Panonacle (Renaissance) est la rapporteure : c’est elle qui rédige le rapport de l’information et qui formule les propositions.

Canopée est auditionné officiellement 2 fois dans le cadre de cette mission : une fois en visioconférence, le 2 mars 2023, et une fois en présentiel, le 27 mars 2023 à Meymac.

Parmi les députées engagées dans cette mission d’information, on retrouve Chantal Jourdan (PS), Marie Pochon (EELV) et Sandrine Le Feur (Renaissance), qui travaillent également avec Canopée dans le groupe de travail transpartisan.

Pour ne pas perturber ce travail, Canopée met en pause le travail démarré avec le groupe transpartisan jusqu’à la publication du rapport d’information parlementaire.

Janvier 2023 : Au travail !

Canopée réunit des députées de plusieurs partis pour travailler une proposition de loi commune

90% des lois votées par les parlementaires sont proposées par le gouvernement. On les appelle les « projets de loi ». Mais il existe aussi une possibilité pour les députés de proposer puis de voter directement des lois sans passer par le gouvernement : il s’agit des « propositions de loi » (environ 10% des lois votées).

Lors de nos échanges avec le gouvernement, en particulier avec le Ministère de l’agriculture, nous comprenons en effet rapidement que la voie d’un projet de loi est très difficile : ce terrain est pris par les lobbies.

Les lobbies ? Il s’agit surtout de l’UCFF : l’Union de la Coopération Forestière Française, qui représente les intérêts des grandes coopératives forestières comme Alliance Forêts Bois. L’enquête publiée par Canopée montre pourquoi ces entreprises ont intérêt au maintien d’une loi autorisant les grandes coupes rases, tout en fléchant les aides publiques vers des plantations, souvent résineuses et peu diversifiées. Les pages 42 à 46 de l’enquête analysent pourquoi le lobbying de ces entreprises est efficace.

Reste la voie parlementaire : Canopée organise des rendez-vous avec plusieurs députés rencontrés lors du séminaire de septembre 2022 et constitue un groupe de travail trans-partisan. Parmi les députées les plus investies dans ces travaux préparatoires : Sandrine Le Feur (Renaissance), Catherine Couturier (LFI), Chantal Jourdan (PS) et Marie Pochon (EELV).

Plusieurs rendez-vous de travail ont lieu et des propositions concrètes prennent forme.

Décembre 2022 : Une première victoire d'étape

Canopée fait sauter un avantage fiscal des grandes coopératives forestières

À peine 3 mois après son séminaire, Canopée remporte une première victoire pour l’amélioration de la politique forestière française.

Cela se passe lors du vote de la loi de finances pour 2023 : chaque année, le Parlement et le gouvernement décident des modalités de perception des recettes publiques et des dépenses de l’Etat pour l’année à venir. C’est l’occasion pour Canopée de demander la mise en place d’éco-conditions pour les aides publiques à la filière forêt-bois.

Les aides appelées « DEFI » (pour Dispositif d’Exonération Fiscal à l’Investissement) permettent de soutenir les travaux forestiers. Mais ces aides soutiennent aussi bien des travaux utiles au développement de la forêt que des coupes rases abusives. Pire : ces aides sont bonifiées pour les grandes coopératives comme Alliance Forêts Bois (l’enquête de Canopée sur cette coopérative montre comment cette entreprise a construit son modèle sur les coupes rases et les plantations peu diversifiées).

Alliance se vante alors sur son site : “Elles [les aides DEFI] comportent également des aménagements importants au profit des adhérents d’Organisations de Producteurs, comme Alliance”. En clair : le taux du crédit d’impôt DEFI était de 18% pour l’ensemble des acteurs de la filière et de 25% pour les adhérents à une coopérative comme Alliance.

Dans la loi de finances pour 2023, le gouvernement propose, par l’intermédiaire du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, d’augmenter ces taux – en maintenant un avantage pour les coopératives. L’amendement 3433 vise à faire passer les aides à 25% pour l’ensemble des acteurs, et 33% pour les adhérents à une coopérative.

Immédiatement, Canopée alerte les députés et députées au sujet de cette disposition et plusieurs sous-amendements sont déposés pour supprimer cet injuste avantage. Sandrine Le Feur, députée du Finistère (Renaissance) dépose l’amendement 3516 en ce sens. Eric Coquerel, député de Seine Saint Denis (La France Insoumise) et Chantal Jourdan, députée de l’Orne (Parti Socialiste), déposent des sous-amendements similaires (3538 et 3530). Les députés du Jura, Marie-Christine Dalloz et de la Haute-Loire (Les Républicains), Jean-Pierre Vigier (Les Républicains), ont été avertis.

Malgré quelques tentatives désespérées des coopératives forestières pour s’accrocher à leur avantage, comme par exemple un courrier envoyé par la coopérative COFORET aux Sénateurs et demandant une aide pour “l’établissement d’un taux bonifié à 33%”, le sous-amendement de Sandrine Le Feur est adopté.

Malgré leur lobbying, les coopératives forestières sont désormais sur un pied d’égalité avec les gestionnaires forestiers indépendants. Le taux d’aides est le même pour tous : 25%.

Cette première victoire prouve que Canopée peut remporter des victoires à l’Assemblée nationale, même si les idées proposées déplaisent au gouvernement ou aux lobbies des grandes coopératives forestières.

21 septembre 2022 : Canopée sort le grand jeu

Nous organisons un séminaire pour les parlementaires dans une salle prestigieuse à deux pas de l'Assemblée nationale

C’est la grande rentrée des députés après les élections législatives de 2022. Les nouveaux parlementaires (re)prennent leurs fonctions à l’Assemblée nationale : c’est le moment où les députés choisissent les sujets prioritaires sur lesquels ils vont travailler pendant les 5 années de leur mandat.

Pour les accueillir et leur faire découvrir les enjeux de la forêt, Canopée loue la Maison de la Chimie, une grande salle prestigieuse à deux pas de l’Assemblée nationale. Des invitations sont envoyées à l’ensemble des acteurs de la filière forêt-bois et à tous les parlementaires (sauf RN).

Les 250 places sont rapidement prises par 50 parlementaires et 200 représentants de la filière forêt-bois.

Au programme :

  • Une présentation de l’état des forêts françaises par Xavier Morin (Président de Canopée et directeur de recherches au CNRS) ;
  • Une table-ronde autour de l’importance de s’appuyer sur les écosystèmes pour permettre une bonne adaptation des forêts au changement climatique, avec Gaëtan du Bus (expert forestier), Virginie Monatte (gestionnaire forestier), Philippe Gourmain (expert forestier et fondateur de La Belle Forêt), Evrard de Turckheim (expert forestier et Président de Pro Silva France) et Julia Grimault (cheffe de projet Agriculture et Forêt chez I4CE) ;
  • Une table-ronde autour de l’impact des incitations budgétaires et fiscales sur la gestion forestière, avec Guillaume Sainteny (haut-fonctionnaire et  membre du conseil scientifique de la Fondation pour la Recherche en Biodiversité), Christine de Mazières (auteure du rapport sur la structuration de la filière forêt-bois de la Cour des Comptes), Jean-Paul Torre (Commission Européenne, DG Environnement) et (Loïc Casset, directeur de Sylv’acctes)
  • Des prises de position de députés de plusieurs partis (Sandrine Le Feur de Renaissance, Mathilde Panot de La France Insoumise, Chantal Jourdan du Parti Socialiste, Annie Genevard de Les Républicains et Marie Pochon de Europe Ecologie Les Verts).

Revoir le séminaire en intégralité

La campagne est lancée : les députées et députés sont bien informés sur les enjeux de la forêt, et Canopée a noué avec eux des contacts précieux.

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