Analyses

La CADA acte la transparence du volet environnement des plans de gestion  

Avec l'avis rendu le 14 décembre 2023, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) acte la levée du secret sur les plans de gestion en forêts privées.
Publié le Rédigé par Canopée

La Commission d’accès aux documents administratifs estime désormais que « toute personne qui en fait la demande » doit avoir accès à certains passages des plans de gestion en forêt privée. Elle revient ainsi sur la jurisprudence en vigueur avant cette date, qui estimait que ces données devaient rester confidentielles. Cette décision ouvre de nouvelles possibilités d’action aux associations environnementales et collectifs d’habitants pour mieux encadrer les coupes rases.

Un plan de gestion contient la liste des travaux prévus dans une forêt privée  

En France, 75% de la surface forestière est privée. Les forêts privées de plus de 20 hectares sont soumises à un plan de gestion : cela signifie que le propriétaire doit produire un document (le plan simple de gestion, ou PSG), dans lequel il décrit l’état de sa forêt et liste les travaux qu’il y prévoit. Ce document doit être validé par le Centre National de la Propriété Forestière (CNPF), qui s’appuie pour cela sur des règles établies au niveau régional (les Schémas Régionaux de Gestion Sylvicole, ou SRGS).  

L’accès du public à ces plans de gestion était impossible avant l’avis de la CADA rendu le 14 décembre 2023. Dans un précédent avis, rendu le 4 septembre 2014, la CADA considérait en effet que la communication d’un plan simple de gestion pouvait porter atteinte au secret de la vie privée : le public ne pouvait y avoir accès.  

La CADA acte la transparence des travaux prévus en forêt privée

Dans l’avis du 14 décembre 2023, la CADA change sa jurisprudence : « La commission estime nécessaire, à l’occasion du présent avis, de faire évoluer sa doctrine. » Elle considère désormais que :

Un plan simple de gestion comporte, pour l’essentiel, des informations relatives à l’environnement librement communicables à toute personne qui en fait la demande

CADA, avis n°20236891 du 14 décembre 2023

La CADA avait été saisie le 14 novembre 2023 par le Parc Naturel Régional de Millevaches. Le PNR souhaitait avoir accès au plan de gestion d’une forêt appelée le Bois du Chat, dans laquelle des travaux de coupe rase semblaient s’annoncer.  

Le PNR avait en effet adressé un premier courrier au Centre National de la Propriété Forestière de Nouvelle Aquitaine le 27 juillet 2023, en indiquant : « Il m’est nécessaire d’avoir communication du Plan simple de gestion qui a été établi et que vous avez validé, pour la parcelle en cause, dite ‘du bois du chat’ ». Bruno Lafon, le Président du Centre National de la Propriété Forestière en Nouvelle Aquitaine, avait décliné cette demande dans un courrier daté du 4 septembre 2023.  

Dans un souci de transparence, d’autant plus prégnant ces dernières années, la CADA ne pouvait que difficilement tenir sa position et continuer à s’appuyer sur l’avis de 2014. Elle justifie son avis en s’appuyant sur une décision rendue en 2022 par le Conseil d’Etat à propos des documents de gestion en forêt publique (Conseil d’État, 10ème – 9ème chambres réunies, 27/09/2022, 451627 – Légifrance (legifrance.gouv.fr) ). Dans cette affaire, le Conseil d’Etat avait en effet estimé que l’association Mormal Forêt Agir, qui demandait l’accès au document d’aménagement de la forêt domaniale de Mormal, pouvait consulter ce document.

La CADA développe : « la Commission relève que le plan simple de gestion répond à la même finalité que le document d’aménagement élaboré par l’ONF et comprend des mentions analogues. Elle en déduit que la grille d’analyse adoptée par le Conseil d’Etat quant à la portée de l’atteinte au secret des affaires est transposable au plan de gestion ».  

Ainsi, seules les informations entrant dans le champ de la protection de la vie privée ne sont pas communicables, soient « des informations liées à la situation personnelle ou fiscale d’une personne physique ». En somme, le plan de gestion d’une forêt privée pourra être transmis « sous réserve de l’occultation des mentions dont la communication porterait effectivement atteinte à la protection de la vie privée du propriétaire intéressé, ainsi qu’au secret des affaires ».

Un revirement qui ouvre de nouvelles portes aux associations environnementales

Canopée avait alerté sur la nécessité de rendre transparents les plans de gestion lors des tensions autour de la coupe prévue au Bois du Chat, en Corrèze. La coupe rase prévue dans cette forêt de hêtres et de chênes avait surpris les habitants de la commune, qui avaient alors décidé de bloquer la coupe, (Coupe rase au Bois du Chat : la tension monte d’un cran – YouTube) provoquant ainsi un débat public tendu. La coupe n’a finalement pas eu lieu.   

Selon Canopée, ces tensions auraient pu être évitées en amont, si un dialogue avait pu être provoqué entre les différentes parties prenantes. L’information des riverains sur les coupes prévues aurait pu instaurer un tel dialogue, plutôt que de mener à un blocage en urgence.  

Les analyses naturalistes et forestières, lancées par les associations de protection de l’environnement à la hâte pour tenter par exemple d’identifier des espèces protégées dans cette forêt, auraient pu être menées à l’avance.

La CADA acte ainsi que le public est légitime à s’intéresser aux travaux menés en forêt privée. Elle rappelle que : « Les forêts, bois et arbres sont placés sous la sauvegarde de la Nation » (Article L112-1 – Code forestier (nouveau) – Légifrance (legifrance.gouv.fr)).  

Visionner le reportage du 19/20 de France 3 Pays de Corrèze consacré à ce sujet

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