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Bois énergie : la fin de la frénésie

Canopée publie une note de plaidoyer sur le bois énergie pour alerter sur les dérives de la filière et les dangers de son développement intensif.
Publié le Rédigé par Canopée

Canopée publie une note de plaidoyer sur le bois énergie pour alerter sur les dérives de la filière et les dangers de son développement intensif.

Le bois-énergie représente environ 35 % des énergies renouvelables en France. Après une phase d’expansion rapide, cette filière doit aujourd’hui amorcer un atterrissage nécessaire, en mettant fin aux dérives qui se sont installées et en intégrant pleinement les exigences de la nouvelle donne climatique. Ces défis restent pourtant largement ignorés par les représentants de la filière. 

Face aux alertes répétées des scientifiques, l’Union européenne a commencé à durcir les critères de durabilité applicables au bois-énergie. De plus en plus contesté, son développement intensif ne contribue pas à la lutte contre le dérèglement climatique lorsqu’il se traduit par des coupes rases abusives et une mobilisation directe d’arbres entiers, parfois au détriment de la biodiversité, des sols et du carbone stocké. 

En France, l’exercice de planification écologique actuellement en cours – avec la révision de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) – a mis en lumière une réalité jusqu’ici minimisée : l’offre de biomasse forestière ne pourra pas répondre à la multiplication des demandes issues des secteurs de l’énergie, de la chimie, de la construction ou des transports (aériens et maritimes). 

L’heure est venue d’arbitrer, de prioriser les usages, et surtout, d’élever les exigences de qualité de la filière. Pourtant, la poursuite de grands projets industriels soutenus par l’État – comme la reconversion de la centrale à charbon de Gardanne (13) en centrale biomasse, ou la production de biocarburants à base de bois à Lacq (64) – donne davantage le sentiment d’une fuite en avant que d’un véritable tournant stratégique. 

Il ne s’agit pas de renoncer au bois-énergie, mais de lui redonner sa juste place. Il doit redevenir un coproduit d’une sylviculture plus écologique, adaptée aux changements globaux, et d’une transformation du bois orientée vers des usages à longue durée de vie. 

La priorité absolue doit être de réorienter les aides publiques, aujourd’hui largement captées par le bois-énergie, vers le soutien aux sylvicultures durables et aux petites et moyennes scieries de feuillus, en particulier celles capables de valoriser les essences secondaires, majoritaires dans les massifs français.

SOURCES

Retrouvez ici les sources complètes de la publication

1 Voir le rapport : ADEME. (2023, novembre). Le bois, une énergie renouvelable en 10 questions. Agence de la transition écologique.

2 Voir la Lettre de 500 scientifiques et économistes, envoyée à la commission européenne en février 2021.

3 Ministère de la Transition écologique, Premières grandes orientations de la Stratégie nationale bas-carbone n°3 – horizon 2030, nov. 2024.

4 D’après l’Inventaire Forestier National, 79% des peuplements ont moins de 100 ans.

5 D’après l’Inventaire Forestier National (memento 2023), le volume de bois vivant sur pied est, en moyenne, de 173 m³/hectare ce qui est très éloigné d’un capital d’équilibre sylvicole de l’ordre de 250 m3/hectare, et à fortiori de son capital d’équilibre biologique qui peut dépasser 500 m3/hectare sur les stations les plus fertiles. Même en isolant les forêts méditérannéennes qui ont un capital d’équilibre plus bas, les forêts françaises restent globalement sous-capitalisées.

6 D’après les indicateurs de gestion durable de l’IGN, il est de 7 m3/ha pour le bois vivant et de 16 m3/an pour le bois au sol. Ces chiffres sont des moyennes nationales qui ne distinguent pas la situation dans les forêts gérées et dans les forêts non gérées.

7 D’après l’IGN. Sur ce point, voir la discussion complète dans le rapport « Gestion forestière et changement climatique. Une nouvelle approche de la stratégie nationale d’atténuation »de Gaëtan du Bus de Warnaffe et Sylvain Angerand (Canopée et Fern, 2020).

8 Lire la tribune de Xavier Morin, Joannes Guillemot, Max Brucciamachie et Nicolas Martin, publiée dans The Conversation, en janvier 2025 : Couper la forêt pour la sauver du changement climatique, est-ce vraiment une bonne idée.

9 France Stratégie, 2023. Rapport « Vers une planification de la filière forêt-bois »

10 Voir l’article : Le Pierrès, O., Grimault, J., & Bellassen, V. (2023, 26 octobre). Développer les usages du bois à longue durée de vie : regard sur les filières allemande, roumaine et suédoise. I4CE – Institut de l’économie pour le climat.

11 France Stratégie, 2023. Note « Vers une planification de la filière forêt-bois »

12 Voir l’article : Valade, A. et Bellassen, V. (2020). Réchauffement du climat : est-ce que la forêt française peut apporter des solutions d’ici 2050 ? Sciences Eaux & Territoires, Numéro 33(3), 70-77.

13 En page 109, il est indiqué : « La récolte en forêt progresse de 55 Mm³ à 63 Mm³ en 2030, […] la part de la récolte consacrée au bois-énergie passe de 63 % à 58 % ». Cela correspond à une récolte de bois-énergie passant de 34,65 Mm³ (63 % de 55 Mm³) à 36,54 Mm³ (58 % de 63 Mm³), soit une hausse de 1,89 Mm³. À cette récolte directe en forêt, il convient d’ajouter le gisement issu des éventuels co-produits de sciage — à condition toutefois que le volume de sciage augmente effectivement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

14 Secrétariat général à la planification écologique (2024). Bouclage biomasse : enjeux et orientations.

15 Voir l’article du journal Le Monde intitulé « Comment l’État a soutenu quoi qu’il en coûte la relance de la centrale biomasse de Gardanne » et publié le 24 mai 2025.

16 Dans le dossier d’enquête publique, l’exploitant annonce une consommation future comprise entre 335 000 et 412 000 tonnes par an et précise que 335 000 tonnes de plaquettes correspond à 450 000 m3 de bois (essentiellement des résineux).

17 Voir le rapport : FCBA (2025). Mémento de la forêt et du bois 2024–2025, p. 24–25.

18 Voir le rapport « Bois énergie : l’équation impossible » de Canopée (2023)

19 Voir l’étude « Quel scénario carbone pour la filière forêt-bois à horizons 2030 et 2050 ? » réalisée par Carbone 4 pour l’interprofession France Bois Forêt (2024). Malgré nos demandes, la publication complète de cette étude n’est toujours pas disponible. L’augmentation de la récolte de bois prévue dans cette étude est un choix de France Bois Forêt, et non une recommandation de Carbone 4, qui a d’ailleurs pris ses distances vis-à-vis de cette hypothèse.

20 Cour des comptes. (2020). La structuration de la filière forêt-bois, ses performances économiques et environnementales. Communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, p.145.

21 Voir l’article : ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. (2024, octobre). Les scieries, des productions spécialisées avec des modèles économiques spécifiques. AGRESTE, Primeur, p.1.