LES IDÉES REÇUES SUR LA FORÊT

Face aux idées reçues sur la forêt, Canopée publie un manuel pour rétablir les faits et éclairer les débats, à travers une analyse accessible, fondée sur les données et la science.

Face aux idées reçues sur la forêt, Canopée publie un manuel pour rétablir les faits et éclairer les débats, à travers une analyse accessible, fondée sur les données et la science.

Publié le Rédigé par Canopée

Dans un contexte de polarisation croissante autour de la gestion des forêts, Canopée publie ses 36 idées reçues sur la forêt. Une lecture rigoureuse et accessible des enjeux forestiers, à destination du grand public, des professionnels, des élus et des médias.

Au croisement des enjeux climatiques, économiques et écologiques, la gestion des forêts françaises suscite un débat de plus en plus polarisé. Face à la diffusion de messages parfois simplistes ou infondés, certains chercheurs, associations ou citoyens s’efforcent de rétablir une lecture fondée sur les données scientifiques et les faits.

C’est dans ce contexte que nous avons publié une brochure au ton clair et assumé : 36 idées reçues sur la forêt – Petit manuel de résistance intellectuelle à l’usage de ceux qui s’intéressent à la forêt. Cet ouvrage de 48 pages se présente comme un clin d’œil au document de Fransylva (le syndicat des propriétaires forestiers) intitulé 36 idées reçues sur la forêt. À l’instar du syndicat, nous avons, nous aussi, souhaité apporter notre réponse aux idées reçues et aux contre-vérités qui circulent aujourd’hui sur la forêt et le bois.


Conçue pour un large public, cette brochure propose une synthèse claire et documentée des principaux enjeux forestiers. Elle fournit aux professionnels de la filière des éléments d’analyse contradictoires et objectivés, souvent partagés par de nombreux forestiers. Aux citoyens engagés dans la défense des forêts, elle offre des arguments étayés pour nourrir l’action locale. Les décideurs y trouvent une lecture rapide des points clés nécessaires à l’élaboration de politiques éclairées, tandis que les journalistes disposent d’un corpus de données vérifiables pour nourrir une information rigoureuse et indépendante.


Forêt et climat : un puits de carbone en déclin

Face à l’urgence climatique, la forêt est souvent présentée comme une alliée précieuse. Par la photosynthèse, les arbres absorbent du dioxyde de carbone et constituent un puits de carbone naturel. Mais ce rôle atteint ses limites une fois la maturité écologique atteinte : le stockage se stabilise, et l’absorption ralentit. Dans ce contexte, les sols forestiers jouent un rôle encore sous-évalué, à condition de préserver leur naturalité. Pourtant, les politiques climatiques actuelles continuent de mobiliser la forêt à des fins industrielles , sans remettre en cause les logiques productivistes qui la fragilisent. En savoir plus


Parmi les projets phares promus au niveau international figure l’idée de planter un millier de milliards d’arbres. Portée depuis 2019, cette initiative repose sur une interprétation discutable de travaux scientifiques. En réalité, planter des arbres dans des milieux inadaptés — tourbières, savanes, prairies, ou terres agricoles utilisées par des communautés — peut entraîner de lourds dommages pour la biodiversité et les équilibres sociaux. En savoir plus


En France, la situation est tout aussi préoccupante. En une décennie, le puits de carbone forestier a perdu un tiers de son efficacité. Cette chute s’explique par la hausse de la mortalité des arbres, le ralentissement de leur croissance et l’augmentation des prélèvements. Une grande partie du bois récolté — près de 68 % — est utilisée à des fins énergétiques, souvent avec le soutien des subventions publiques. À l’inverse, seuls 20 à 30 % du bois alimente des filières de transformation longue durée, pourtant essentielles pour un stockage durable du carbone. En savoir plus


Ce déséquilibre repose en partie sur un mythe comptable : celui d’une prétendue neutralité carbone du bois-énergie. En réalité, la combustion du bois libère du CO₂ immédiatement et crée une dette carbone qui peut durer plusieurs décennies. Cette situation est aggravée par la hausse de la demande et le recours croissant aux coupes rases, y compris dans des peuplements encore vivants, mais jugés affaiblis. En savoir plus


Adapter la forêt ou changer nos pratiques ?

Face au dérèglement climatique, les réponses dominantes consistent à introduire des essences prétendument plus résistantes à la sécheresse ou à multiplier les plantations. Or, cette stratégie occulte les capacités d’adaptation intrinsèques des forêts — diversité naturelle, microclimats, plasticité des espèces — et repose souvent sur des modèles prédictifs simplistes. L’exemple du hêtre, annoncé en déclin massif d’ici 2050, illustre ces dérives : des recherches plus récentes montrent qu’il conserve une large variabilité adaptative selon les stations. En savoir plus


Plutôt que de simplifier les forêts, restaurer leur complexité structurelle permettrait d’accroître leur résilience. La préservation des vieux arbres, du bois mort, de la diversité spécifique et des strates végétatives améliore à la fois la résistance aux stress climatiques et la capacité à accueillir une biodiversité riche. Cette approche s’oppose aux logiques de rentabilité immédiate, mais offre une stratégie plus robuste à long terme. En savoir plus


Une biodiversité forestière souvent relayée au second plan


Le bois mort est l’un des piliers méconnus de la biodiversité forestière. Refuge pour les oiseaux cavernicoles, les chauves-souris et des centaines d’espèces d’insectes, il joue également un rôle écologique crucial dans le cycle du carbone, la fertilisation des sols et la régulation hydrique. Pourtant, les pratiques sylvicoles intensives ont conduit à sa raréfaction, au détriment de l’équilibre des écosystèmes. En savoir plus


Les méthodes d’exploitation aggravent ce déséquilibre. L’usage d’engins forestiers lourds provoque un tassement durable des sols, réduit leur porosité, perturbe les micro-organismes et compromet la régénération naturelle. Ces effets, souvent invisibles à court terme, affaiblissent durablement les forêts. En savoir plus


Parallèlement, l’équilibre de la faune forestière est mis à mal. Une surabondance de grands ongulés, comme les cervidés, nuit à la régénération des essences naturelles, notamment en broutant les jeunes pousses. À l’inverse, une faune diversifiée incluant insectes, oiseaux et petits mammifères est un indicateur bien plus fiable de la vitalité des milieux forestiers. En savoir plus


Une sylviculture intensive qui se traduit par des coupes rases

L’argument de la sous-exploitation des forêts françaises revient régulièrement pour justifier une intensification des coupes. On fait valoir que la récolte annuelle représenterait seulement 60 % de l’accroissement biologique. Mais ce raisonnement masque une réalité plus contrastée. Ce chiffre moyen ne reflète pas la situation hétérogène des forêts, où certaines zones, plus accessibles ou productives, sont surexploitées, tandis que d’autres, difficiles d’accès ou à forte valeur écologique, sont peu touchées. De plus, la pression sur les peuplements jeunes ou en pleine dynamique de régénération fragilise leur développement, et compromet leur rôle écologique à long terme. En savoir plus


Cette logique productiviste s’appuie sur une conception linéaire de la sylviculture, fondée sur une succession de phases : plantation, entretien, coupe finale. Elle entretient l’idée qu’il faudrait obligatoirement « intervenir » pour garantir la santé des forêts, y compris par des coupes rases jugées nécessaires à leur renouvellement. Pourtant, ces interventions standardisées entravent les cycles naturels et brisent la continuité écologique. Des alternatives existent, fondées sur une sylviculture plus douce, qui accompagne la dynamique naturelle sans brutaliser les peuplements. En savoir plus


La notion même d’« entretien » forestier repose sur une ambiguïté. Ce terme, souvent valorisé dans le discours public, désigne en réalité des interventions lourdes : débroussaillage mécanisé, dessouchage, coupe des arbres morts ou sénescents. Or, ces pratiques réduisent les habitats disponibles pour la faune et la flore, appauvrissent les sols, et déstructurent les réseaux racinaires et mycorhiziens. Loin de soigner la forêt, cet entretien peut en affaiblir durablement les fonctions écologiques. En savoir plus


Dans ce cadre, les coupes rases restent largement pratiquées, notamment dans les forêts publiques, et sont souvent justifiées par des raisons économiques ou sanitaires. Pourtant, leur impact est massif : perte du microclimat, érosion des sols, rupture des chaînes trophiques, fragmentation des habitats. En savoir plus


Les dispositifs d’encadrement de la gestion forestière, tels que les Plans Simples de Gestion (PSG), les Codes de Bonnes Pratiques Sylvicoles (CBPS) ou les Schémas Régionaux de Gestion Sylvicole (SRGS), souffrent d’un manque de portée normative. Souvent conçus comme des outils contractuels ou incitatifs, ils laissent une grande latitude aux propriétaires, sans mécanismes de contrôle suffisamment robustes. Cette gouvernance non contraignante limite les marges d’action des pouvoirs publics pour orienter la gestion forestière vers des objectifs environnementaux ambitieux. En savoir plus


Enfin, l’accélération des coupes, la mécanisation croissante et l’exportation de grumes participent d’un processus de financiarisation de la forêt. Des fonds d’investissement achètent des parcelles avec une logique de rendement à court terme, accentuant la pression sur les écosystèmes. Cette financiarisation se traduit aussi par une perte de transparence : les décisions de gestion sont éloignées des territoires, et le lien entre les citoyens et la forêt se distend. Cette évolution questionne profondément la fonction de bien commun que la forêt devrait incarner dans un contexte de crise écologique. En savoir plus


La gouvernance forestière en question


La forêt française est souvent perçue comme un bien commun. Elle couvre près d’un tiers du territoire et sa surface a crû régulièrement depuis le XIXe siècle. Mais cette croissance résulte surtout de l’abandon des terres agricoles et de plantations intensives. En réalité, 75 % des forêts sont privées, ce qui limite leur accessibilité et complique l’action publique. En savoir plus


Cette expansion cache une standardisation préoccupante. Si 190 essences sont recensées, près de la moitié des peuplements sont composés à plus de 75 % d’une seule essence. Cette homogénéisation, largement orientée vers les résineux, nuit à la biodiversité et accentue la vulnérabilité des forêts. Certaines régions, comme le Morvan, sont devenues emblématiques de cette dynamique d’enrésinement. En savoir plus


Ce modèle est soutenu par des dispositifs économiques et fiscaux avantageux. Les propriétaires forestiers bénéficient d’abattements et d’exonérations sans obligation stricte de gestion durable. Par ailleurs, les certifications forestières (FSC, PEFC) peinent à jouer leur rôle de garantie écologique. Elles s’appuient sur des critères souples et des contrôles insuffisants, autorisant même la labellisation de coupes rases. En savoir plus


Les outils réglementaires existants sont largement fondés sur la contractualisation volontaire. Les documents de gestion ne sont ni universels ni toujours contraignants, et les contrôles de terrain restent marginaux. Cette gouvernance permissive affaiblit la crédibilité des objectifs affichés en matière de durabilité forestière. En savoir plus


Des alternatives existent pourtant. Les forêts mélangées, intégrant une diversité d’essences et de structures, montrent de meilleures performances en matière de résilience, de productivité et de lutte biologique contre les ravageurs. Elles incarnent une voie de gestion fondée sur la complémentarité plutôt que sur la simplification. En savoir plus


La prévention des incendies en offre une illustration concrète. Contrairement à certaines idées reçues, l’entretien mécanique n’est pas une garantie contre les feux. Les principaux facteurs de risque restent liés au climat (sécheresse, vents, chaleur). Favoriser des forêts complexes, à couvert continu, est une stratégie plus efficace que les interventions lourdes, souvent contre-productives. En savoir plus


L’industrialisation de la ressource bois : entre innovation et dépendances


Les nouveaux usages du bois sont mis en avant comme leviers de transition écologique. Textiles, plastiques biosourcés, carburants d’aviation à base de lignine : autant d’innovations qui promettent une substitution vertueuse. Mais dans les faits, ces usages s’ajoutent à la consommation actuelle, au lieu de la remplacer. Le secteur aérien, par exemple, ne prévoit pas de réduire son trafic, ce qui implique une demande supplémentaire en biomasse, parfois issue de forêts. En savoir plus


Cette pression se répercute sur l’organisation industrielle. Les scieries, concentrées et spécialisées, orientent les choix sylvicoles en amont. Pour répondre à leurs critères, les forêts doivent fournir des bois homogènes, calibrés, à croissance rapide, ce qui pousse à la plantation d’essences standardisées et à l’uniformisation des paysages forestiers. En savoir plus


Enfin, la dépendance aux marchés internationaux accentue les tensions. L’exemple du chêne est éclairant : exporté en Chine pour y être transformé, il revient parfois en France sous forme de produits finis. Cette délocalisation détruit de la valeur ajoutée, affaiblit la filière bois française et contribue aux émissions globales via le transport maritime. Elle soulève également des enjeux de souveraineté économique. En savoir plus


L’ensemble de ces dynamiques dessine un avenir préoccupant. Celui d’une forêt exploitée comme simple réservoir de matière, au service d’une économie mondialisée, sans considération suffisante pour ses fonctions écologiques fondamentales ni pour son rôle de bien commun à préserver.