Le bois mort attire les nuisibles et la vermine

Le bois mort attire les nuisibles et la vermine
FAUX Le bois mort est une chance pour la forêt. Des oiseaux comme le pic noir ou le pic épeiche creusent leurs loges dans...
FAUX
Le bois mort est une chance pour la forêt. Des oiseaux comme le pic noir ou le pic épeiche creusent leurs loges dans les grands arbres morts — et parfois dans des arbres vivants lorsqu’il y a pénurie de bois mort. Ces cavités servent ensuite de refuge à d’autres espèces, comme la chouette chevêchette ou des chauves-souris telles que la pipistrelle.
Cette biodiversité n’est pas une contrainte pour la gestion forestière — c’est un allié précieux. De nombreuses espèces contribuent à la régulation naturelle des ravageurs. Par exemple, les chauves-souris sont les principaux prédateurs des hannetons, dont les larves causent d’importants dégâts aux racines dans les forêts de l’Oise.
Au printemps, lors du débourrement des chênes, les jeunes feuilles sont particulièrement vulnérables aux chenilles de tordeuses, qui peuvent les dévorer en quelques jours. Heureusement, cette période coïncide avec celle du nourrissage des oisillons chez les mésanges. Un couple peut capturer plusieurs centaines de chenilles par jour pour alimenter sa nichée.
S’agissant des insectes, moins de 1 % des espèces de coléoptères saproxyliques sont capables de s’en prendre à des arbres vivants, et le font presque toujours sur des sujets affaiblis. Parmi elles figurent notamment les scolytes, dont le scolyte typographe, responsable de dégâts importants dans les plantations d’épicéas. Il est compréhensible d’intervenir rapidement pour contenir une épidémie, en coupant et en évacuant les arbres infestés. Mais cela n’est pas toujours faisable, notamment pour des raisons logistiques. Dans ces cas, conserver les arbres morts présente plusieurs avantages.
D’une part, un arbre mort depuis plus de deux ans ne constitue plus un risque, car les larves de scolytes ne peuvent plus s’y développer. D’autre part, le maintien de ce bois mort favorise l’émergence de régulateurs naturels des scolytes. Dans une forêt à haut degré de naturalité — c’est-à-dire riche en bois mort — on recense jusqu’à 300 espèces susceptibles de limiter les populations de scolytes : pics, coléoptères prédateurs, larves de mouches, guêpes parasitoïdes, acariens ou encore champignons pathogènes[1].
Au moins un quart des espèces forestière dépendent du bois mort, au moins pendant une partie de leur cycle de vie[2]. La sylviculture a tendance à raccourcir les cycles sylvigénétiques, en interrompant prématurément les phases de maturité et de sénescence. La sylviculture mélangée à couvert continu ne fait pas exception[3] : en récoltant les arbres avant leur mort naturelle, elle peut limiter fortement la disponibilité en bois mort, pourtant essentielle à la biodiversité. Il est donc essentiel que les forestiers veillent à conserver en forêt une quantité suffisante de gros, voire de très gros bois morts, et à mettre en place des îlots de sénescence où les cycles naturels des arbres puissent se dérouler jusqu’à leur terme.
LE SAVIEZ-VOUS ?
Le bois mort, un stock de carbone, une pompe à nutriment et une éponge à eau
Lorsqu’un arbre meurt, sa décomposition n’est pas immédiate : elle peut s’étaler sur plusieurs dizaines d’années. Une étude[4] menée dans une vieille forêt alluviale de plaine en Europe centrale, portant sur des bois morts couchés au sol d’un diamètre supérieur à 10 cm, a montré qu’il faut environ 35 ans pour décomposer 50 % du bois mort de chêne pédonculé, et 62 ans pour en décomposer 90 %.
Au fil de ce processus, la matière organique est en partie libérée sous forme de CO₂, et en partie stockée dans l’humus forestier. Les nutriments (azote, phosphore…) sont également restitués progressivement au sol. Grâce aux réseaux de mycorhizes, ils peuvent être remobilisés et transférés vers des arbres vivants, contribuant ainsi au cycle de fertilité de l’écosystème forestier.
Par ailleurs, plus le bois se décompose, plus il perd en densité et gagne en humidité. Des bois morts de gros diamètre, comme ceux de sapin, peuvent ainsi contenir plus de 80 % d’eau par rapport à leur poids sec[5]. À l’inverse, une accumulation de petits bois morts secs constitue un matériau hautement inflammable, pouvant favoriser la propagation des incendies.
[1] Kenis, M.; Wermelinger, B. & Grégoire, J.C. (2004). Research on parasitoids and predators of Scolytidae – a review. In: Bark and wood boring insects in living trees in Europe, a synthesis. Kluwer Academic Publishers, p. 237-290.
[2] NatureFrance. Indicateurs ONB, Indicateur ”Très gros bois et bois mort en forêt”.
[3] Nagel, T.A & al (2017). Evaluating the influence of integrative forest management on old-growth habitat structures in a temperate forest region, Biological Conservation, Volume 216, Pages 101-107.
[4] Tomáš Vrška, T. &al (2015). Deadwood residence time in alluvial hardwood temperate forests – A key aspect of biodiversity conservation. Forest Ecology and Management 357 :33-41
[5] Błońska, E. & al. (2018). Changes to the water repellency and storage of different species of deadwood based on decomposition rate in a temperate climate. Ecohydrology 11(8) :e2023