Question

Les coupes rases représentent une surface négligeable

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Les coupes rases représentent une surface négligeable

FAUX Selon la définition retenue, les coupes rases représenteraient entre 60 000 et 200 000[1] hectares par an, en France...

FAUX

Selon la définition retenue, les coupes rases représenteraient entre 60 000 et 200 000[1] hectares par an, en France hexagonale, ce qui n’est pas négligeable.

La notion de coupe rase recouvre des réalités très différentes : coupe d’une forêt de feuillus pour être remplacée par une plantation de résineux, coupe de taillis, coupe d’ensemencement pour permettre une régénération naturelle de chêne, défrichement pour installer un lotissement ou des panneaux photovoltaïques, coupe sanitaire lorsque les arbres sont morts. Alors que les coupes rases font l’objet d’une contestation croissante, il n’existe pas de statistique officielle et de définition commune admise permettant de mesurer l’ampleur de ce phénomène et son évolution.

Depuis 2005, l’Inventaire Forestier National (IFN) ne distingue plus les coupes rases des autres coupes. Dans son memento[2], il estime à 85 000 hectares de coupes fortes (plus de 50% de l’étage dominant) par an, dont 60 000 ha/an pour les coupes de plus de 90 % de l’étage dominant. Cette surface ne serait pas en augmentation forte par rapport aux décennies précédentes.

Pourtant, d’autres études n’arrivent pas à la même conclusion. En 2020, une étude[3] publiée dans Nature alerte sur une augmentation de 49% de la surface de coupes rases en Europe, et notamment en France, depuis 2015.

Cette étude a suscité un vif débat[4] car elle a mobilisé pour la première fois des outils de suivi par satellite quand l’IFN utilise, par exemple, un réseau de placettes dans lesquelles les arbres sont mesurés tous les 5 ans. La principale limite du suivi satellitaire réside dans le besoin de calibrages supplémentaires pour éviter les erreurs d’interprétation. Toutefois, il présente l’avantage non négligeable de fournir un suivi en temps réel et sur l’ensemble de la surface, contrairement à la méthode de l’IFN qui a plus de difficultés à détecter les évolutions récentes.

Un autre argument souvent avancé est que les coupes rases ne représenteraient qu’environ 0,5 % de la surface forestière productive[5]. Cet argument est contestable, car il assimile l’ensemble de la surface forestière française à de la forêt effectivement exploitée, ce qui est inexact. En réalité, seule une partie de la forêt est soumise à des coupes.

Si l’on considère qu’une parcelle est exploitée en moyenne tous les 10 ans, et que chaque année environ 600 000 hectares font l’objet de coupes[6], alors la proportion réelle de coupes rases parmi les surfaces effectivement exploitées serait plutôt de l’ordre de 1,4 %, et non de 0,5 %.

Autrement dit, les forêts exploitées sont en moyenne entièrement rasées tous les 71 ans — un rythme bien trop court au regard du cycle de vie naturel d’un écosystème forestier.

 

[1] MERMOZ S. & al. (2024). Sub-Monthly Assessment of Temperate Forest Clear-Cuts in Mainland France. IEEE Journal of selected topics in applied earth observations and remote sensing, 17, p. 13743-13764.

[2] IGN. (2023). Memento. Inventaire forestier national, p.6.

[3] CECCHERINI G. & al. (2020). Abrupt increase in harvested forest area over Europe after 2015. Nature, 583, 72-77.

[4] PICARD N. & al (2021). Recent increase in European forest harvests as based on area estimates (Ceccherini et al. 2020a) not confirmed in the French case. Annals of Forest Science 78.

[5] IGN. (2023). Memento. Inventaire forestier national, p.6.

[6] IGN. (2023). Memento. Inventaire forestier national, p.6. Soit 85 000 hectares sur une surface forestière totale de 17,5 millions d’hectares (48,5%).