Plus il y a de grands animaux en forêt, mieux la forêt se porte

Plus il y a de grands animaux en forêt, mieux la forêt se porte
PLUTÔT FAUX Les cerfs, les sangliers et les chevreuils font partie de l’écosystème forestier mais aujourd’hui, dans certaines régions, ils...
PLUTÔT FAUX
Les cerfs, les sangliers et les chevreuils font partie de l’écosystème forestier mais aujourd’hui, dans certaines régions, ils sont en surnombre et bloquent la régénération naturelle des forêts. En effet, pour se nourrir, les cerfs et les chevreuils abroutissent les jeunes plants et les empêchent ainsi de grandir.
Ces déséquilibres trouvent leur explication dans deux phénomènes. D’une part, la faible présence, ou la disparition dans beaucoup de territoires, des grands prédateurs comme le loup ou le lynx et d’autres part, les politiques publiques mises en place dans les années 1970 visant à renforcer les effectifs de ces ongulés. Plutôt que d’être orientée sur la régulation, la chasse a aujourd’hui plutôt une vocation de loisir : plus il y a d’animaux, mieux c’est…sauf pour la forêt.
BON À SAVOIR
La traque-affût[1] est une méthode de chasse plus sélective, plus sûre, qui permet, avec un nombre de jours de chasse très limité, de rétablir efficacement l’équilibre forêt-ongulés. Elle repose sur une approche attentive du territoire, souvent silencieuse, qui consiste à repérer les animaux avant le tir. Cela permet de cibler en priorité des individus bien identifiés, notamment des mâles adultes, tout en épargnant les femelles accompagnées de leurs petits encore dépendants ainsi que les espèces protégées. Contrairement aux battues traditionnelles, cette pratique limite les dérangements pour la faune et améliore la sécurité pour les autres usagers de la forêt. Elle peut ainsi constituer un terrain d’entente entre les défenseurs de la biodiversité et les chasseurs soucieux de contribuer à une gestion durable des populations. En replaçant la chasse dans une logique de régulation fine et adaptée aux dynamiques locales, la traque-affût participe à restaurer un équilibre entre la forêt et la grande faune.
CHIFFRE CLÉ
300 C’est le nombre de biches et cerfs qui sont sortis en quelques heures de la forêt de Chaux, dans le Jura, le 1er janvier 2025. Spectaculaire, la scène témoigne d’une forte surpopulation de cervidés dans ce secteur, qui empêche la régénération naturelle de la forêt.
LE SAVIEZ-VOUS ?
Chaque année, un geai des chênes peut enfouir jusqu’à 4 600 glands pour constituer ses réserves alimentaires[2]. Ce comportement de « cache » a un effet majeur sur la régénération naturelle des chênes : nombre de ces glands oubliés germent au printemps, souvent dans des zones éloignées de l’arbre d’origine. Le geai contribue ainsi activement à la dispersion des chênes à l’échelle du paysage, jouant un rôle clé dans le renouvellement des peuplements forestiers, le brassage génétique entre massifs et la colonisation de nouveaux habitats — autant de processus particulièrement précieux dans un contexte de changement climatique où les forêts doivent s’adapter. Ce service écologique est d’autant plus remarquable qu’il ne repose sur aucune intervention humaine, et qu’il bénéficie à long terme à la biodiversité comme à la résilience des écosystèmes forestiers.
Malgré ce rôle fondamental, le geai des chênes a longtemps été classé parmi les espèces dites « nuisibles », autorisant sa destruction hors périodes de chasse. Mais cette situation vient de changer. Saisi par plusieurs associations environnementales, le Conseil d’État a annulé, le 13 mai 2025, l’arrêté ministériel qui maintenait ce classement, en soulignant l’absence de preuves scientifiques suffisantes démontrant l’ampleur des dommages causés. Le geai bénéficie donc à nouveau du régime général de protection des oiseaux sauvages. Toutefois, cette décision ne met pas fin au débat : des représentants du monde de la chasse ont déjà annoncé leur intention de faire pression sur le gouvernement pour rétablir ce classement, en invoquant des dégâts localisés sur certaines cultures. Le sort juridique du geai reste donc fragile, alors même que son rôle écologique ne fait plus débat.
Pour en savoir plus : l’association Quercus & Garrulus vient de se créer afin d’agréger, développer et diffuser les connaissances sur la symbiose entre les chênes et le geai, et de devenir un pôle d’expertise sur les semis assistés par le geai des chênes, au service des forestiers.
👉 www.quercus-garrulus.org
[1] Fondation François Sommer. (2021). Retisser le lien entre la chasse et la société – 8 chantiers pour 2040. Chasse, nature & société 2040, livre blanc.
[2] Ducousso, A. et Petit, R. (1994). Le geai des chênes, premier reboiseur européen. Forêt Entreprise, n°97