Question

Pourquoi l’exploitation minière est-elle cause de déforestation ?

Quel est l'impact de l'exploitation de minerais sur la déforestation ? Quelles exploitations minières menacent principalement les forêts ? Quelles sont les zones concernées ? Des éléments pour y voir plus clair.

exploitation minière et déforestation
Question

Pourquoi l’exploitation minière est-elle cause de déforestation ?

Quel est l'impact de l'exploitation de minerais sur la déforestation ? Quelles exploitations minières menacent principalement les forêts ? Quelles sont les zones concernées ? Des éléments pour y voir plus clair.

Or, charbon, bauxite, fer, et autres minéraux sont des ressources naturelles importantes trouvées dans les sous-sols forestiers. Mais leur extraction est l’un des principaux moteurs de la déforestation dans le monde.

Cette exploitation cause de nombreux dommages sur les forêts, mais aussi sur la biodiversité qu’elle abrite, et les populations qui y vivent. Alors que la demande en minerais pour la consommation, les infrastructures et la transition énergétique est en croissance, cette tendance risque de s’accentuer.

Quels effets a l’exploitation minière sur la déforestation ?

La déforestation, en particulier dans les zones tropicales, est imputable à l’agriculture, à la construction d’infrastructures et l’expansion urbaine, et en quatrième position à l’exploitation de minerais. D’après une étude du Centre pour la recherche forestière internationale, celle-ci représenterait 7% de la déforestation. En Amazonie, ce chiffre s’élève à 10%. Comparé à l’élevage ou aux plantations de palmiers à huile, cette déforestation peut sembler de faible importance, mais celle-ci est croissante.

De plus, l’impact global de l’exploitation minière sur la déforestation est difficile à mesurer. En effet, il ne se limite pas à la zone d’exploitation, mais entraîne aussi une déforestation indirecte. Au sein d’une concession, les forêts sont défrichées pour l’extraction des minerais. Mais la création d’infrastructures pour l’énergie, de réseaux de routes, et l’afflux de population associés à cette exploitation étendent la déforestation au-delà de la zone d’extraction. Selon une étude publiée dans Nature Sustainability, alors que la diminution de la protection légale de l’Amazonie brésilienne contre l’exploitation minière pourrait mener à plus de 18 000 hectares de déforestation directe, la construction de routes associée à cette exploitation pourrait mener à la déforestation de plus de 760 000 hectares. En supposant que cet impact s’étend jusqu’à 50 km autour de la mine, une étude montre qu’elle influence potentiellement 4,9 milliards d’hectares, soit 37% de la surface terrestre. Avec l’hypothèse d’un rayon de 70 km autour de l’activité minière, elle pourrait avoir des conséquences sur un tiers des forêts du monde.

Les grandes activités d’extraction de minerais altèrent donc les écosystèmes et contribuent à la fragmentation ou la destruction de l’habitat de nombreuses espèces. Or près du tiers de toutes les mines et sites d’exploration actifs sont situés dans des zones à haute valeur de conservation. Des conséquences ont déjà été identifiées: le nombre de tigres d’Indochine par exemple est passé de 40 000 dans les années 1970 à 220 actuellement, à cause de la perte de son habitat, notamment à cause de l’expansion de mines d’étain, d’or, d’argent, de fer, de zinc, et de calcaire.

L’exploitation minière impacte aussi les personnes vivant aux alentours et en aval des concessions. En 2006, le Représentant Spécial des Nations Unies estime que les industries extractives représentent les deux tiers des atteintes aux droits humains imputés aux entreprises.

Les zones riches en minéraux se trouvent souvent dans les régions les plus reculées, ce qui expose des populations les plus vulnérables. Il existe actuellement plus de 3600 projets de mines sur les terres autochtones où vivent des groupes isolés. Grâce à une analyse géospatiale de l’Amazonie, Global Forest Watch a montré que 20% des terres autochtones de la région sont touchées par l’exploitation minière. La région a enregistré des taux de déforestation sans précédent au cours des dernières années. La majorité de l’exploitation minière qui s’y déroule est attribuable à l’or. Celle-ci entraîne la dégradation du lieu de vie des populations locales, engendrant pauvreté, problèmes de santé et perte de leurs pratiques culturelles.

Un exemple bien documenté est celui de l’impact des mineurs brésiliens illégaux sur le territoire des Yanomami. La zone exploitée dans cette région a presque triplé en trois ans, entraînant la contamination des cours d’eau par le mercure. L’insécurité alimentaire, qui a longtemps été un problème, s’est exacerbée avec l’arrivée des mineurs, leurs machines faisant fuir le gibier et la pollution de l’eau rendant les poissons impropres à la consommation. Les mares d’eau stagnantes dans les “garimpos”, les mines d’or, entraînent de plus une augmentation de la population de moustiques et des maladies qu’ils propagent, comme le paludisme. Une enquête de la plateforme d’information amazonienne Sumauma montre que 570 enfants de moins de 5 ans sont morts de malnutrition et de maladies évitables entre 2019 et 2022.

L’industrie minière génère aussi des déchets solides, gazeux et liquides dangereux, comme les eaux minières et les résidus miniers. La mauvaise gestion de ces derniers peut entraîner de réels désastres écologiques. En novembre 2015, un grand barrage retenant des terres contaminées a cédé dans l’État de Minas Gerais au Brésil. Cet effondrement a libéré une énorme inondation de boue toxique qui s’est déversée sur 1 700 hectares, détruisant la végétation de la Forêt Atlantique. Autre exemple, une fuite en Guyane a relâché plus de quatre milliards d’eau sale mêlée à du cyanure. Celle-ci a causé une extinction massive de faune et flore aquatique et terrestre.

Exploitation minière
Source : IWGA / https://www.iwgia.org/en/brazil/4570-brazil-s-colonial-dilemma-gold-mining-and-deforestation-in-the-amazon.html

Une déforestation en explosion

L’exploitation minière est la deuxième cause de déforestation, bien après l’agriculture, mais l’impact de cette ressource sur les forêts est en forte croissance. La production de nombreux minerais a explosé au cours des dernières décennies : aujourd’hui, les mines du monde extraient deux fois plus de ressources qu’en 2000. Plusieurs facteurs l’expliquent : la croissance soutenue des pays émergents, le recours à l’or comme “valeur refuge”, l’augmentation de la demande liée à l’événement des nouvelles technologies, et la transition énergétique. Cette augmentation de la production s’est accompagnée d’une hausse de la déforestation, qui semble s’accélérer. Plus de 35% de la déforestation liée aux minerais analysée pour les forêts tropicales a eu lieu dans les 5 dernières années.

Quels sont les principaux minerais responsables de la déforestation ?

Certains minerais causent plus de problèmes que d’autres : l’or et le charbon représentent les premières menaces pour les forêts, suivis par la bauxite, le fer et le cuivre.

L’or est le premier minerais facteur de déforestation, représentant 36% de la déforestation directe liée aux minerais. Près de 60% de la déforestation liée à l’or a eu lieu dans seulement 4 pays. Les forêts du Pérou, du Suriname, de la Russie et du Brésil sont les plus menacées. L’extraction de l’or a lieu dans certaines parties du bassin Amazonien depuis plusieurs siècles, mais celle-ci a explosé depuis le début des années 2000. Au Pérou, l’extraction illégale est répandue dans la région de la forêt Madre de Dios, et au Brésil, la plus grande zone d’exploitation minière à petite échelle se trouve dans l’Etat du Para.

Le charbon occupe la seconde place, avec 335 700 hectares déforestés entre 2001 et 2020. Contrairement à l’or, où la déforestation causée par l’extraction de minerais est répartie entre plusieurs pays, la déforestation liée au charbon, elle, se concentre en Indonésie. Entre 2009 et 2013, la production de charbon a doublé en dans le pays (de 254Mt à 464Mt). L’épicentre de cette exploitation se situe dans le Kalimantan Oriental. Un rapport de 2021 du Mining Advocacy Network (Jatam) révèle que les permis de charbon délivrés par le gouvernement recouvrent 70% de la province.

La bauxite est le minerai à partir duquel l’aluminium est extrait. Son exploitation représente 8% de la déforestation liée aux minerais, principalement dans 4 pays: l’Australie, le Brésil, le Ghana, et l’Indonésie. Elle est notamment la première cause de déforestation dans les forêts du Nord de Jarrah dans la province du Western Australia. Au Brésil, les réserves de bauxite de l’Etat du Para sont les troisièmes les plus importantes au monde. Dans la région, l’environnement des Quilombas est contaminé par les métaux lourds déversés par les entreprises minières.

Le minerai de fer et le cuivre représentent respectivement 7% et 4% de la déforestation liée aux minerais. Viennent ensuite le manganèse (3%), le nickel (3%), le zinc (1%), et l’argent (1%).

L’Indonésie est le premier producteur mondial de nickel, le gouvernement ayant une politique de développement de cette industrie. Les îles de Sulawesi et de Maluku sont particulièrement riches en ce métal qui devient de plus en plus important pour la transition énergétique. La grande diversité de milieux naturels de l’île d’Halmahera  est menacée par la demande croissante de ce minerai.

L’étain, le coltan et le cobalt, bien que représentant une plus petite part de la déforestation ont malgré tout un impact significatif. L’extraction illégale d’étain a conduit à une déforestation importante dans l’Etat du Para. Contrairement à l’extraction de l’or, celle-ci est moins coûteuse et donc particulièrement attractive. La demande de coltan, utilisé dans de nombreux appareils électroniques, et de cobalt pour la fabrication de batteries est croissante. Mais ceux-ci ont de graves impacts en République Démocratique du Congo. Dans l’Est du pays notamment,  ces minerais financent en partie la guerre civile et menacent la biodiversité du pays avec le braconnage et la déforestation.

Exploitation minière
Exploitation minière en Indonésie / Source : https://miningdigital.com/

Où est située la déforestation liée aux minerais ?

Avec la montée des inquiétudes environnementales en Europe et aux USA, l’activité minière s’est déplacée dans les pays en développement. Les enjeux environnementaux, sociaux, et sanitaires de l’exploitation minière ont ainsi été délocalisés. La plupart de la déforestation liée à l’exploitation minière se situe dans les forêts tropicales : celles-ci représentent 62% de la déforestation directe totale qui a lieu dans des zones minières. Même si d’autres importants écosystèmes sont aussi impactés : les forêts boréales représentent 13% et les forêts tempérées 9%.

L’Indonésie est le pays qui concentre le plus de déforestation liée aux minerais : elle est responsable de 25% de celle-ci. La tendance est à l’accélération, avec 61,5% de la déforestation arrivée après 2010. Celle-ci est principalement due au charbon, au nickel et à l’or.

Le Brésil arrive en seconde place, avec 12% de la déforestation liée aux minerais, principalement  à cause de l’exploitation de l’or. Avec la montée en flèche des prix de l’or, les concessions minières à grande échelle et les opérations minières illégales se sont largement développées dans le pays. Dans tout le Brésil, les concessions représentent 165 millions d’hectares, dont 60% sont situés en Amazonie. C’est 18% de sa surface qui est couverte par des concessions minières industrielles. Un chiffre très inquiétant quand on sait que l’exploitation minière provoque de la déforestation à l’intérieur mais aussi au delà des limites des concessions.

Les sols du bassin du Congo sont aussi très riches en minerais (or, charbon, fer, cuivre, cobalt, étain, coltan, …). La ceinture cuivre-cobalt qui s’étend entre la République Démocratique du Congo et la Zambie renferme 34% des réserves mondiales de cobalt et 10% des réserves de cuivre. L’exploitation de ces minerais, dont certains sont très demandés par le secteur des nouvelles technologies, est une source de revenus importante pour ses pays. Au cours des dix dernières années, elle a été multipliée par 20. En 2019, le secteur minier représentait 91% des exportations de la République Democratique du Congo. Le secteur reste largement dominé par l’exploitation artisanale à petite échelle.

Quels sont les secteurs d’activités les plus responsables de la déforestation liée aux minerais ?

En analysant la déforestation liée aux minerais par secteur d’utilisation, c’est la construction qui arrive en tête. Elle représente 18% de la déforestation liée aux minerais entre 2001 et 2019. Cela s’explique par la grande quantité et variété de minerais utilisés: l’aluminium provenant de la bauxite, de l’acier provenant du fer, de la manganèse et du nickel, du cuivre pour les revêtements ou câbles électriques, du zinc, de l’argent, etc.

Elle est suivie du secteur automobile (8%) qui nécessite d’importantes quantités d’aluminium, d’acier et de cuivre. De plus, la quantité de minéraux utilisés dans les voitures électriques est environ dix fois supérieure à celle des voitures conventionnelles, et s’élève à plus de 200 kg par voiture. Leur construction nécessite notamment l’utilisation de graphite, de cuivre, de nickel, de manganèse, de cobalt, et de lithium.

Viennent ensuite les secteurs des machines et équipements (7%), et de l’administration publique et la sécurité sociale (6%). Les infrastructures de production d’énergie renouvelables demandent elles aussi l’utilisation d’importantes quantités de minerais.

Exploitation minière et déforestation
Mine de charbon en Indonésie © Rhett A. Butler/Mongabay / Source : https://rainforests.mongabay.com/