Question

Quelles sont les causes de la déforestation ?

Chaque année, près de 10 millions d’hectares de forêts sont déforestés, principalement dans les forêts tropicales. Un point sur les principales causes de cette déforestation.

Question

Quelles sont les causes de la déforestation ?

Chaque année, près de 10 millions d’hectares de forêts sont déforestés, principalement dans les forêts tropicales. Un point sur les principales causes de cette déforestation.

Si l’imaginaire collectif associe souvent la déforestation au commerce du bois, ce sont très largement l’agriculture et l’élevage qui en sont les premiers responsables. Focus sur les principales raisons de la déforestation dans le monde.

D’après l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), entre 2000 et 2018, l’agriculture est responsable de près de 90% de la déforestation. L’expansion de cultures représente plus de 49% de cette déforestation. Vient ensuite l’élevage qui en représente 38%. Les activités minières et l’urbanisation des infrastructures sont, eux, respectivement responsables de 7% et 6% de la déforestation.

En Amérique latine et en Asie du Sud-Est, la déforestation est principalement liée au développement de l’agriculture industrielle. En Amérique latine, les forêts sont en général remplacées par des pâturages et des champs de soja. En Asie, la déforestation est due avant tout au développement des plantations de palmiers à huile. En Afrique, ce phénomène s’explique en grande partie par l’agriculture vivrière.

L’élevage bovin

L’élevage est la première cause de déforestation : la superficie forestière remplacée par le bétail représente 38% de la déforestation. Des années 1960 à aujourd’hui, la quantité de viande bovine produite a plus que doublé. Cette augmentation exerce une pression sur les forêts : les pâturages à destination des bovins ont remplacé 45 millions d’hectares entre 2001 et 2015. C’est quatre fois plus que la déforestation liée à l’huile de palme, qui arrive en deuxième position. Le remplacement des forêts a principalement lieu au Brésil et au Paraguay.

Au Brésil, 70% de la déforestation liée à l’élevage a lieu dans la forêt amazonienne. Dans la région, la conversion de forêts en pâturages s’explique plus par une dynamique de spéculation foncière que par une recherche de profits. En effet, l’élevage bovin dans la région n’est que peu rentable, mais les terres, une fois déforestées, prennent de la valeur et garantiront au propriétaire un profit au moment de leur revente. De plus, des chercheurs ont montré que la culture du soja est étroitement liée à celle de l’élevage. En effet, lorsque l’expansion de la culture de soja est réalisée sur d’anciens pâturages, cela pousse à la création de nouveaux pâturages dans les zones boisées.

Le bœuf brésilien est majoritairement consommé localement, et seulement 24% est exporté. Mais nous importons en revanche du cuir, le co-produit le plus important de l’exploitation de bœuf. Celui-ci est essentiel à la rentabilité de l’industrie bovine, représentant en moyenne 20% de la valeur d’un bœuf. Environ 50% du cuir exporté du Brésil est utilisé par le secteur de l’automobile.

Le soja

La production globale de soja a été multipliée par quatre en 40 ans, causée par l’augmentation de la consommation de viande. En effet, le soja n’est pas principalement destiné à l’alimentation humaine, mais animale. Aujourd’hui, le marché est largement dominé par trois principaux pays producteurs : les États-Unis, le Brésil et l’Argentine.

Cette augmentation de la demande de soja menace de nombreux écosystèmes en Amérique latine. Des recherches récentes du World Ressources Institute montrent que 8,2 millions d’hectares de forêt ont été convertis pour la culture du soja entre 2001 et 2015, dont 7,9 millions en Amérique du Sud. Jusqu’en 2006, la culture de soja était un moteur de déforestation important en Amazonie. Le principal facteur de l’expansion des cultures de soja dans la région a été l’utilisation de nouvelles variétés, adaptées aux zones humides tropicales. De grandes fermes ont alors commencé à émerger, au détriment de zones de forêts.

Entre 2004 et 2005, 30% du soja produit en Amazonie était lié à la déforestation. En 2006, l’indignation du public suite à la déforestation dans la région a poussé les négociants à signer un Moratoire sur le Soja. Depuis la mise en place du moratoire, le soja n’est plus responsable que d’1,2% de la déforestation dans la région. C’est maintenant le Cerrado qui est menacé par cette culture. Cette immense savane arborée, située au Sud de l’Amazonie au Brésil, est aussi la zone la plus menacée par la culture de soja. Il s’étendait auparavant sur plus de 200 millions d’hectares, mais aujourd’hui la moitié de sa surface a déjà disparu.

L’huile de palme

La consommation d’huile de palme a doublé tous les 10 ans depuis 40 ans, entraînant une augmentation massive de la surface plantée. On estime à 27 millions d’hectares la surface de plantations. 85% de la production de l’huile de palme se concentre dans deux pays : l’Indonésie et la Malaisie. Celle-ci a pour conséquence une déforestation massive dans les pays producteurs.

3 millions d’hectares de tourbières ont déjà été remplacées par des plantations d’huile de palme en Indonésie et Malaisie, et plus de 30 % de la déforestation en Indonésie est liée à cette culture. Les régions abritant des forêts de plaine comme l’île de Sumatra et de Kalimantan ont été les plus touchées. Cette déforestation provoque une érosion de la biodiversité et menace pour la survie des orang outans et le tigre de Sumatra. De plus, planter des palmiers à huile sur des tourbières génère des émissions massives de gaz à effet de serre. En effet, ces écosystèmes sont parmi les plus riches en carbone de la planète : les tourbières d’Asie du Sud-Est contiennent autant de carbone que la végétation aérienne de l’Amazonie.

Cette culture s’est aussi étendue en Amérique latine : la Colombie est le quatrième producteur mondial. Mais dans le pays, la plupart des plantations d’huile de palme ont été réalisées sur des terres anciennement défrichées. Au Brésil, la quantité de terres dédiées à cette culture est en augmentation : elle a doublé entre 2004 et 2010.

L’Afrique est elle aussi menacée par l’expansion de la culture de l’huile de palme. Elle abrite 24% des surfaces de ces plantations. Le Sud Ouest du Cameroun est particulièrement impacté par cette production : 67% de l’expansion de palmiers à huile s’est faite au détriment de forêts.

En quelques années, l’huile de palme est devenu un sujet bien identifié par l’opinion publique, mais on sait peu qu’en Europe et notamment en France, l’huile de palme est utilisée à 76% pour les biocarburants, bien avant l’usage alimentaire. Depuis 2019, le parlement français a cependant exclu l’huile de palme des biocarburants. Au niveau européen, cette exclusion est prévue à l’horizon 2030.

Le bois

Contrairement à une idée reçue, les industries forestières ne sont pas parmi les premiers responsables de déforestation. L’exploitation de bois peut en effet être réalisée en coupe rase, comme dans certaines régions du Canada, mais elle est généralement avant tout responsable de dégradation des forêts. Ce processus plus graduel est lié à la perte de la capacité des forêts à fournir des services écosystémiques. Ce phénomène n’est pourtant pas à minimiser.

L’exploitation sélective peut être un premier pas vers la déforestation : les forêts exploitées étant devenues accessibles et à proximité des nouveaux villages, elles courent un risque accru d’être converties en terres agricoles. C’est aussi un facteur important de changement climatique. En Amazonie brésilienne par exemple, le carbone émis par la dégradation est supérieur à celui émis par la déforestation. La lutte contre la dégradation des forêts est donc tout aussi essentielle pour limiter le réchauffement climatique.

Dans certaines parties du monde, l’exploitation de bois de chauffage, utilisé en particulier dans les zones rurales peut aussi être une cause de déforestation et de dégradation des forêts. Près de 3 millions de personnes n’ont pas d’autres sources de combustible pour cuisiner.

Le cacao

La culture du cacao est concentrée pour les trois-quarts en Afrique de l’Ouest, et en particulier en Côte d’Ivoire et au Ghana. Dans ces pays, le cacao est la principale cause de déforestation. La plupart du cacao est cultivé en monoculture, ce qui implique de couper les arbres d’une parcelle pour pouvoir y planter les cacaoyers. Sur les 60 dernières années, la Côte d’Ivoire et le Ghana ont respectivement perdu autour de 94% et 80% de leurs forêts.

Les parcs nationaux, espaces d’une biodiversité exceptionnelle, ne sont pas épargnés. Un étude menée par l’Université de l’Etat de l’Ohio, en collaboration avec des chercheurs ivoiriens, a montré que 7 aires protégées ont été presque entièrement converties. Au Ghana, la situation est identique : entre 2001 et 2014, plus de 117 000 hectares d’aires protégées ont été transformées en cultures de cacao.

À ce bilan écologique catastrophique s’ajoute un bilan social désastreux. Le secteur est connu pour ses violations du droit du travail et notamment le travail des enfants. Malgré des efforts de l’industrie (la Cocoa & Forest Initiative, la Déclaration de Berlin, la Plateforme française d’engagements communs pour la production d’un cacao durable, …), la déforestation liée au cacao ne ralentit pas. Pourtant, d’autres pratiques sont possibles. Dans un système agroforestier, le cacao est planté à l’ombre d’autres arbres plus grands. Cela permet donc de maintenir le couvert forestier, mais aussi de préserver la qualité des sols et de capter une plus grande quantité d’eau.

Le café

Les principaux pays producteurs de café sont le Brésil, le Vietnam, l’Indonésie, et la Colombie. À l’échelle mondiale, la production de café a augmenté de 24% entre 2010 et 2018. Celle-ci entraîne une demande en terres croissante, qui mène souvent à de la déforestation. Entre 2010 et 2017, le risque de déforestation associé à la culture de café était de près de 350 000 hectares. Celui-ci se concentre au Honduras (113 000 hectares) et en Côte d’Ivoire (61 000 hectares).

Bien qu’il y ait 10 types différents de plants de café, deux espèces sont principalement cultivées : ceux qui poussent sous le soleil (Robusta), et ceux qui poussent sous ombrage (Arabica). Le café qui pousse sous le soleil a été conçu pour produire près de trois fois plus de café. Mais alors que l’Arabica pousse en agroforesterie, le Robusta entraîne le défrichement de forêts.

En plus de la déforestation, cette culture impacte les ressources en eau : elle engendre une demande en eau importante pour son irrigation, et elle est aussi responsable de pollution de l’eau à travers les engrais utilisés. Ceux-ci, une fois dans l’eau, engendrent une eutrophisation à cause des nutriments qui stimulent la croissance excessive d’algues. L’exploitation en monoculture affectent le PH et l’équilibre en nutriments du sol.

Le caoutchouc

Alors que les caoutchoutiers (hévéa) sont originaires de la région de l’Amazonie, la majorité de la production est maintenant située en Asie. La Thaïlande, l’Indonésie et le Vietnam sont les principaux pays producteurs, et les plantations ont augmenté rapidement ces dernières décennies au Cambodge et Myanmar (Birmanie). À l’échelle mondiale, 80% de l’hévéa est cultivé par des petits exploitants.

D’après les données de Hurni & Fox, sur 2,8 millions d’hectares de caoutchoutiers établis entre 2003 et 2014, 1,8 millions sont venus en remplacement de forêts. 49% de cette déforestation se situe au Cambodge, 18% au Vietnam, 15% au Laos, et 8% en Chine. Les plantations industrielles engendrent aussi une déforestation en Afrique centrale et de l’Ouest. 52 000 hectares de forêts ont été remplacés par du caoutchouc depuis 2000 dans ces régions.

Cette culture dépend aussi d’une large utilisation de pesticides et herbicides : plus de 66% des exploitants en Thaïlande en utilisent. Les travailleurs y perçoivent de faibles rémunérations et ces exploitations se font parfois à la suite d’accaparements de terres des communautés locales.

L’agriculture vivrière

Alors que l’agriculture industrielle est principalement cause de déforestation en Amérique latine et Asie du Sud-Est, en Afrique ce phénomène s’explique en grande partie par l’agriculture vivrière. Une technique couramment utilisée est la culture sur brûlis. Il s’agit de défricher une surface forestière en brûlant la végétation, ce qui vient apporter des nutriments au sol. Après quelques saisons de cultures, les nutriments diminuent, et la zone est laissée en jachère.

Bien que cette technique soit adaptée dans les zones de faible densité de population ou pour les populations nomades, elle devient problématique dans une situation de pression démographique. Certaines solutions seraient de passer par la fourniture de semences améliorées, la mécanisation, etc.

Les crevettes

La hausse de la demande de crevettes détruit les mangroves, en particulier en Indonésie. Les estimations de la responsabilité de l’aquaculture varient en fonction des études, mais d’après le Ministère indonésien des forêts, 50% de la perte des mangroves s’expliquerait par la construction de bassins d’élevage. Les forêts de mangroves s’étendent sur près de 137 000 km2 de la surface terrestre.

Ces forêts, malgré leur utilité écologique primordiale (biodiversité, protection contre les évènements extrêmes, stockage de carbone) sont en train de disparaître : en moins de 50 ans, elles ont disparu de plus d’un quart. Cette déforestation a des conséquences importantes pour le climat. La disparition des mangroves contribue à hauteur de 15% des émissions liées à la déforestation.

Les minerais

L’exploitation minière représente 7% de la déforestation mondiale, principalement pour l’or et le charbon. Cette déforestation se concentre dans les forêts tropicales : cela représente 62% de la perte de forêts liée à l’exploitation minière. L’Indonésie et le Brésil sont les plus touchés. Une analyse géospatiale de l’Amazonie estime que l’étendue de la région recouverte de concessions minières avoisine les 20%. Elle montre aussi que plus de 20% des terres autochtones d’Amazonie sont impactées.

Cette exploitation, en plus de mener à la déforestation, nécessite de grandes quantités d’eau. Une mine moyenne d’or consomme annuellement autant d’eau que 80 000 français par an. Elle est aussi très énergivore : l’industrie minière est responsable de 8% de la consommation d’énergie mondiale. Elle génère de plus des quantités de déchets considérables. La surface totale recouverte de déchets miniers s’élève à 100 millions d’hectares.

Cette exploitation et déforestation sont associées à des violations de droits humains récurrentes. Les peuples autochtones subissent la destruction de leur environnement, le déplacement forcé, la pollution de leur lieu de vie et la criminalisation.

L’ampleur de cette déforestation est probablement sous-estimée : en effet, en plus de la déforestation directe, l’exploitation minière engendre une déforestation indirecte. Le développement d’infrastructures pour l’énergie, de réseaux de routes, et l’afflux de population qu’elle crée étendent la déforestation au-delà de la zone d’extraction.

Comment lutter contre cette déforestation ?

Les consommateurs, et notamment européens, ont une responsabilité dans cette déforestation. Selon Pendrill et al (2020), la consommation européenne de produits agricoles a entraîné une déforestation d’environ 3,5 millions d’hectares entre 2005 et 2017.

Pour répondre à ces hauts niveaux de consommation, la pression exercée sur les terres d’autres pays par l’Europe excède de 40% sa propre surface. Le soja, l’huile de palme et la viande de bœuf sont les produits associés à la déforestation les plus importés en Europe. La France, parce qu’elle est totalement déficitaire en protéines, importe massivement du soja pour y pallier. Depuis 2009, l’Union Européenne, en pensant limiter son empreinte carbone, a développé l’utilisation de l’huile de palme dans les biocarburants. L’Europe est aussi le premier marché pour le café.

Mais une nouvelle réglementation européenne, adoptée en mai 2023, pourrait venir réduire cet impact. Elle interdit désormais l’importation de produits responsables de déforestation et dégradation.